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Livre blanc constituant 1.0 chapitre 6 – Tout le pouvoir au peuple

Livre Blanc constituant n° 1
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VI.- Tout le pouvoir au peuple

La notion de « pouvoir », elle aussi, à mauvaise presse. Dans certains milieux, le principe même du pouvoir est contesté. Mais pourquoi le peuple devrait-il éternellement déléguer à d’autres le soin de défendre ses intérêts ? N’est-il pas le mieux placé pour le faire lui-même ? Il n’y a pas besoin de faire appel à de grandes théories juridiques pour comprendre ce qu’est le pouvoir. Tous les dictionnaires, comme le sens commun, le définissent à peu près de la même manière : le pouvoir c’est la capacité de décider et de faire. C’est l’action. Dès lors, qui pourrait, par principe, refuser le pouvoir puisqu’il permet précisément de réaliser des projets ? Peut-on sérieusement refuser l’action, par principe ? Les choses ne sont pourtant pas si simples, car le pouvoir doit quand même être mis sous surveillance.

En Europe tout particulièrement, le pouvoir semble être frappé de malédiction

Les expériences terrifiantes du nazisme et du communisme soviétique en sont les causes principales. Il faut néanmoins distinguer ces deux cas. Les nazis avaient annoncé leurs intentions racistes, impérialistes et belliqueuses. Nul ne pouvait être surpris des massacres qu’ils ont commis. En revanche, la Révolution russe de 1917 a été faite au nom de la libération de la tyrannie tsariste, avec la promesse de l’émancipation du peuple. Le régime politique qui a suivi a fait exactement l’inverse, une nouvelle tyrannie a remplacé l’ancienne.

Dans un registre moins dramatique, en France, tous les Gouvernements qui se sont succédé ces dernières décennies ont trahi leurs promesses. A gauche, c’est Monsieur Mitterrand qui promettait de « changer la vie », gagne les élections en 1981, pour opérer ensuite un « tournant libéral » dès 1982. A droite, c’est Monsieur Chirac qui promettait de faire la « guerre au chômage » et de lutter contre la « fracture sociale » en 1995, pour renoncer immédiatement après à son engagement. C’est Monsieur Sarkozy, en 2007, qui promettait, entre autres, de « créer une 5e branche de la Sécurité sociale pour consacrer suffisamment de moyens à la perte d’autonomie », et qui n’a rien fait.

C’est Monsieur Hollande, le 22 janvier 2012, dans son célèbre discours du Bourget, qui affirme : « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il gouverne (…), c’est le monde de la finance ». Il promettait qu’il « engagerait les premières mesures contre la finance par le biais d’une réforme bancaire ». Que fera Monsieur Hollande une fois élu ? Il nommera Monsieur Macron, représentant direct de la haute finance, au poste de ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Ainsi la finance avait donc un nom, un visage, un parti, et finalement elle s’est présentée à la présidentielle en 2017. C’est Monsieur Macron qui, logiquement, en 2017, après son élection, lors du discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs déclare : « c’est toute cette nouvelle responsabilité qui est la nôtre et qui doit nous conduire à définir philosophiquement et juridiquement les règles de ce nouveau monde[1] ». En réalité Monsieur Macron s’est parfaitement bien adapté à l’ancien monde.

A.- C’est au peuple de prendre le pouvoir, pour ses intérêts

Une expression populaire traduit bien un sentiment largement partagé : « l’ivresse du pouvoir ». La leçon que beaucoup de citoyens tirent des expériences qui viennent d’être rapidement rappelées, est que le pouvoir corrompt puisque même ceux en qui on a confiance changent souvent du tout au tout dès lors qu’ils ont le pouvoir. Cette façon de voir les choses n’est pas nouvelle, car depuis l’Antiquité la critique du pouvoir est présente dans le débat politique. D’ailleurs, cette critique est associée à celle de l’État – on parle de pouvoir d’État – puisque le pouvoir et l’État sont en fait la même chose. On leur reproche d’exercer une domination sur les individus et de restreindre leurs libertés.

De nombreuses théories se sont alors développées en opposition à la notion de pouvoir. Les plus récentes tournent autour des « contre-pouvoirs ». Ceux-ci restent néanmoins des pouvoirs, mais qui s’opposent aux pouvoirs établis, et qui visent à en restreindre l’exercice et à proposer des alternatives. Parmi les théoriciens qui ont eu une certaine audience, on peut citer John Holloway[2] et Miguel Benasayag[3].

Pour John Holloway, la révolution ne doit plus consister à vouloir prendre le pouvoir mais à lutter contre le pouvoir. Car prendre le pouvoir n’aboutira en réalité, selon lui, qu’à substituer un pouvoir de domination à un autre. La solution serait alors de changer le monde par des actes individuels et collectifs.

Pour Miguel Benasayag, l’État possède un pouvoir de gestionnaire inefficace. Il faudrait donc passer par des contre-pouvoirs qui permettront à la « société civile » d’imaginer le monde de demain.

Ces théories ont eu une certaine influence sur des ONG et le mouvement altermondialiste. Leur point fort est de mener des actions concrètes, souvent localisées dans de petits territoires, sur des sujets très variés comme la défense de l’environnement, la solidarité (personnes âgées, handicapés, sans domicile fixe, aide aux devoirs…), les services publics (hôpitaux, école, transports collectifs…). Ces actions sont une expression magnifique de la citoyenneté en actes.

En revanche, la principale critique qu’on peut leur adresser est de renoncer à analyser le monde globalement et à lutter pour la prise du pouvoir politique. Il existe en effet des domaines stratégiques, dans le fonctionnement d’une société, qui ne peuvent à l’évidence relever que d’un pouvoir centralisé. Le cas le plus évident est celui de la défense nationale. Son commandement doit être centralisé, on ne voit pas comment l’armée de Terre pourrait avoir une stratégie, l’armée de l’Air une autre et la Marine encore une autre. Sans compter qu’il pourrait arriver que des stratégies soient différentes selon les régions militaires, au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest. On pourrait également prendre l’exemple de la monnaie et se demander s’il est préférable d’avoir une monnaie centrale ou une myriade de monnaies locales. Ces dernières seront elles convertibles entre elles ? Pourront-elles servir au commerce international ? Etc.

Un autre cas évident est celui de la diplomatie. La politique étrangère d’un pays doit être centralisée. On peut prendre aussi l’exemple de la fiscalité. Les impôts doivent-ils être les mêmes sur tout le territoire national, ou doivent-ils être définis par des contre-pouvoirs à l’échelle des communes ou des départements ? Si ce dernier cas était retenu, les inégalités deviendraient la règle, et le concept néolibéral d’ « attractivité du territoire » ferait une percée inattendue alors qu’il a amplement démontré ses aspects nocifs (des entreprises profitent des avantages fiscaux sans pour autant améliorer l’emploi ou prendre soin de l’environnement).

Même chose pour l’école, les hôpitaux publics, les transports publics… Qui peut sérieusement imaginer que sur tous ces sujets majeurs, des politiques, des tarifs, des statuts des personnels différents puissent exister d’un territoire à l’autre ?

Un exemple parmi tant d’autres illustre la nécessité de la prise du pouvoir. Les Gilets jaunes ont proposé la mise en place du RIC (référendum d’initiative citoyenne). Ils « demandent » le RIC. A qui le demandent-ils ? Évidemment aux pouvoirs publics. Pourquoi ces derniers permettraient-ils cette expression du peuple, alors que toute la stratégie de ces dernières décennies a été de faire exactement l’inverse avec les politiques de mondialisation néolibérale et l’Union européenne : diluer la démocratie. Un des symboles de ce refus d’accepter la souveraineté du peuple est le coup d’État parlementaire du 4 février 2008. Les Français avaient voté NON le 29 mai 2005 au référendum portant sur le traité constitutionnel européen. Malgré cette décision du peuple, la plupart des grands partis politiques a annulé ce vote en faisant ratifier le traité de Lisbonne (copie conforme du TCE) par le Parlement réuni en Congrès.

La « demande » du RIC n’a strictement aucune chance de se réaliser sans une immense poussée populaire. Si une telle poussée existait – ce qu’il faut ardemment souhaiter – sa signification politique serait une véritable révolution. Quarante années de politiques de mondialisation néolibérale qui ont permis la mise en place du système de l’UE et sa destruction de la démocratie, seraient brutalement interrompues. La puissance de la mobilisation, pour obtenir cette revendication, serait telle qu’elle ne pourrait pas se limiter simplement au RIC. La revendication du RIC deviendrait rapidement « tout le pouvoir au peuple ! ».

Tel devrait être l’objectif principal d’une Dynamique populaire constituante : prendre le pouvoir dès 2022. Voilà de beaux débats en perspective !

B.- La constituante, instrument démocratique du changement de régime politique

Toute Constitution est précédée d’un processus constituant. Ce dernier diffère selon les pays et les époques, mais il se déroule souvent « à chaud », à l’occasion d’importantes mobilisations populaires. Il existe deux façons d’organiser une constituante : à l’initiative des pouvoirs publics ou à celle du peuple. Nul ne peut compter sur M. Macron pour lancer un processus constituant dont le but serait de le déposer comme souverain et de remettre le peuple à sa place. Il ne faut donc rien demander à M. Macron et prendre tout simplement le pouvoir. Tel est la vocation de la Dynamique populaire constituante.

La Constitution doit garantir la souveraineté de la France. Elle est la loi fondamentale, c’est le droit du droit. C’est la règle la plus élevée de l’ordre juridique de chaque pays. Elle définit les droits et les libertés des citoyens. Elle décrit l’organisation et la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. La Constitution définit le type de régime politique d’un pays, la République pour la France.

Le processus politique conduisant à produire la loi doit être contrôlé du début à la fin par les citoyens, les partis politiques ne pouvant rien faire seuls. Rappelons pour finir l’exigeante affirmation de Jean-Jacques Rousseau sur le peuple législateur, qui commencerait ainsi à avoir un début significatif d’application : « Toute loi que le Peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est pas une loi » (Du contrat social, III, XV).

[1] 27 août 2019.

[2] John Holloway (né en 1947 à Dublin) est un sociologue et philosophe marxiste irlandais dont le travail est associé au mouvement zapatiste de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Il réside à Puebla et enseigne à la Benemérita Universidad Autónoma de Puebla au Mexique depuis 1991.

https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Holloway

[3] Miguel Benasayag, né à Buenos Aires en 1953, est philosophe, psychanalyste, chercheur en épistémologie et ancien résistant guévariste franco-argentin. Il est proche du courant libertaire.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_Benasayag


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