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Repères pour voter aux législatives 2024

Repères pour voter aux législatives 2024
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Beaucoup s’interrogent sur les véritables raisons qui ont poussé le président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale. Au-delà du narcissisme pathologique de l’individu, il existe des raisons politiques mûrement réfléchies. C’est ainsi qu’un groupe de conseillers d’Emmanuel Macron, d’une dizaine de personnes, des « cloportes » selon l’ancien ministre des Finances Bruno Lemaire, ont échafaudé ce plan pendant plusieurs mois dans le plus grand secret. L’objectif de la dissolution était de renforcer le « bloc central » (macronistes) en profitant des faiblesses et des divisions de la gauche et de la droite. En effet, à gauche et chez les écologistes, un certain nombre de personnalités avait rejoint Macron, comme de nombreux cadres des Républicains (LR). Face à la crise politique et à l’angoisse que susciterait la dissolution, l’objectif était de faire peur avec la rhétorique habituelle du risque des « deux extrêmes », Marine Le Pen et le RN d’un côté, Jean-Luc Mélenchon et LFI d’un autre côté. La première avait obtenu 23,15 % des exprimés au premier tour de la présidentielle de 2022 et avait été qualifiée pour le second tour réalisant 41,45 %, alors que le Jean-Luc Mélenchon avait obtenu 21,95 % au premier tour. L’affaire semblait simple et évidente.

Pourtant cette stratégie a lamentablement échoué. Déjouant tous les pronostics, la gauche a formé un cartel électoral intitulé Nouveau Front populaire (NFP), alors qu’une partie des Républicains a rejoint le RN au lieu de la macronie. Personne n’a rejoint le « pôle central » car aujourd’hui la gamelle est vide, la perspective est celle d’une raclée aux législatives

L’enjeu des législatives des 30 juin et 7 juillet est double : soit une majorité absolue pour le Rassemblement national ou le Nouveau Front populaire, peu probable mais possible malgré tout ; soit une majorité relative à l’Assemblée nationale pour l’un des deux.

Dans ces conditions, les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 permettront-elles de remettre notre pays dans une dynamique de redressement ? Autrement dit, allons-nous enfin sortir progressivement du chômage, de la précarité et de la pauvreté, des bas salaires, de l’accroissement des inégalités, de l’impossibilité de se loger dignement dans les grandes villes, de la destruction méthodique et cynique des services publics, particulièrement des hôpitaux et du système scolaire ? Allons-nous nous engager réellement dans une action de grande ampleur pour protéger l’environnement, le réparer, s’adapter aux changements climatiques ? Allons-nous reconstruire une France libre, indépendante, souveraine ? Allons-nous rénover la démocratie et remettre le peuple français – seul souverain – au centre des institutions ? Allons-nous décider d’agir pour la paix ?

Trois blocs politiques sont en compétition : le bloc macroniste (Renaissance, Horizons, MoDem), le bloc du Rassemblement national (avec des éléments venant des Républicains et de Reconquête), le bloc Nouveau Front populaire avec toute la gauche allant du PS néolibéral (François Hollande) au petit parti trotskiste NPA. Tous proposent tel ou tel objectif particulier pouvant aller dans le bon sens. Par exemple, le bloc macroniste propose une baisse de 15 % de la facture d’électricité dès cet hiver. Le bloc Rassemblement national propose une baisse de la TVA sur le prix de l’énergie, dont les carburants, de 20 % à 5,5 %. Quant au bloc NFP, il propose de porter le smic à 1 600 euros net. Toutes ces mesures sont excellentes.

Mais aucun bloc ne propose une transformation profonde du système politique et économique permettant de mettre fin à quatre décennies de politiques néolibérales, cause du déclassement de la France et des Français. Aucun ne propose de se donner les moyens pour y mettre fin. Ces blocs ont bricolé des programmes relevant davantage de la communication que de la volonté réelle de changer les choses immédiatement et sur la durée.

Le bloc macroniste est disqualifié. Il a accéléré la décomposition de notre pays, à la fois sur notre sol, mais aussi concernant l’image et le rôle de la France dans le monde. Voter pour les candidats macronistes ne ferait qu’accélérer la décomposition.

Le bloc constitué du Rassemblement national peut être qualifié de nationaliste-populiste. Nationaliste, dans le sens où il assimile de fait la nationalité française à une race ou une ethnie. La France, pour lui, ne serait plus une communauté politique mais une ethnie dont seul le sang pourrait qualifier les membres. Ce bloc est également populiste, dans le sens où il fait semblant d’être favorable au peuple en multipliant bruyamment les postures censées alimenter ce que pense ce dernier. Cependant, les mesures qu’il propose sont loin de répondre aux besoins et aspirations du peuple. Elles sont banalement néolibérales.

Le bloc Nouveau Front populaire propose certaines mesures favorables au peuple, mais elles sont limitées (quasiment rien sur l’emploi) et ne s’attaquent en aucun cas aux racines des politiques néolibérales afin de les éradiquer. Ce n’est qu’une nouvelle copie artificielle des périodes de gauche Mitterrand, Jospin et Hollande, toutes marquées par l’échec. Aucune leçon ne semble en avoir été tirée. L’échec est donc assuré. Une preuve en est donnée par la présence de l’ancien président de la République, François Hollande, sur la liste des candidats aux législatives. Cet assemblage électoraliste disparaîtra le soir du second tour. En cas de majorité absolue en sa faveur, il sera incapable de gouverner.

Aucun de ces blocs ne dispose d’un programme susceptible d’améliorer rapidement et durablement la situation de la France et des Français, ni des stratégies pour y parvenir. Pour autant, faut-il s’abstenir comme il fallait le faire aux élections européennes ? Probablement pas, car les élections législatives sont les plus importantes dans notre système politique, bien avant l’élection présidentielle.

Si l’on ne peut pas soutenir les projets de ces trois blocs, il est néanmoins possible de voter pour des candidats au cas par cas, dans chaque circonscription, s’il en existe, selon deux catégories de critères : le programme qu’ils proposent et les moyens qu’ils envisagent de mettre en œuvre. Plus généralement, la perspective politique qui s’ouvre est celle d’une « dynamique populaire constituante ». Peu de choses sont à attendre des partis politiques dans l’état actuel de leur décrépitude. C’est à la construction d’un mouvement populaire autonome qu’il faut s’atteler.

I.- Les critères principaux d’un « bon » programme pour la France et les Français

Bien sûr, il ne faut pas rêver en croyant que des candidats proposeront l’intégralité des objectifs ci-dessous. Dans la recherche du « moins pire », chacun fera ses arbitrages. Car en cas de majorité relative à l’Assemblée nationale, le groupe des « moins pires » pourrait faire pencher la balance du bon côté.

1.- Faire de la France un pays actif pour la paix

Deux conflits risquent de se généraliser à tout moment : l’Ukraine et Gaza. Au lieu de jeter de l’huile sur le feu (Ukraine) ou de fermer les yeux (Gaza) comme l’a fait Macron, il faut agir pour la paix.

Les Etats-Unis, l’OTAN et l’Union européenne, par leurs provocations répétées contre la Russie depuis la fin de l’URSS, portent l’entière responsabilité du conflit en Ukraine. La France ne doit soutenir aucun des deux camps, mais agir comme intermédiaire de paix. Pour cela, notre pays doit cesser la politique de sanctions, de livrer des armes et des munitions, et d’envoyer des « instructeurs » ou former des soldats ukrainiens. La France doit également s’opposer à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne.

A Gaza, la population civile est massacrée. A ce jour, les estimations font état de 38 000 morts de civils à Gaza, principalement des femmes, enfants, vieillards. Le Blitz (bombardements des grandes villes anglaises pendant la Seconde Guerre mondiale par l’aviation allemande), de son côté, aurait fait environ 40 000 morts. Les Américains et les Britanniques, en 1945, avec l’opération Gomorrhe, ont tué 46 000 civils à Hambourg en Allemagne. Le gouvernement israélien cherche-t-il à battre ces records macabres ? La France doit agir pour la paix : arrêt des livraisons d’armes, reconnaissance diplomatique de l’Etat palestinien comme l’ont déjà fait plusieurs pays européens… En outre, la sortie de l’OTAN et le démantèlement de cet organisme belliqueux contrôlé par les États-Unis devient urgent. Aucun des trois blocs ne propose cette stratégie. Tous se sont couchés.

2.- La liberté, l’indépendance, la souveraineté de la France.

Rien n’est possible en matière sociale, démocratique, environnementale, culturelle, économique, de coopération internationale, sans la souveraineté de la France. Or la France n’est plus souveraine. Le système de l’Union européenne, avec ses « compétences exclusives », a privé les États membres des instruments essentiels de la souveraineté économique et politique : l’élimination des monnaies et politiques monétaires nationales remplacées par l’euro qui a accéléré la désindustrialisation et la pression sur les salaires, l’obsession du libre-échange qui a fait exploser notre déficit de la balance commerciale et la destruction de l’agriculture paysanne, la perte du contrôle des frontières, la bureaucratisation du marché intérieur en interdisant le soutien public aux industries d’avenir.

Aucun des trois blocs ne propose de sortir de l’Union européenne et de l’euro, aucun ne propose de consulter les Français par référendum pour leur demander si la France doit rester dans l’Union européenne.

3.- La démocratie et le pouvoir du peuple

La France doit donc redevenir libre, à l’instar des grands pays comme les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde… Pourquoi ces pays seraient souverains et pas la France ? En France même, le peuple doit redevenir le souverain. Or, une interprétation pernicieuse de la Constitution de la Ve République et plusieurs révisions constitutionnelles ont contribué à renier la souveraineté du peuple par divers stratagèmes. C’est tout le système politique français qui doit être réformé pour placer le peuple au sommet des institutions. Les pouvoirs du président de la République doivent être réduits au profit du Premier ministre, le mode de scrutin pour les législatives doit être plus juste, des référendums annuels obligatoires doivent être organisés sur les grandes questions stratégiques. Un référendum d’initiative populaire devrait être mis en place, etc.

Rien de tout cela ne figure dans les programmes des trois blocs, ou alors sur forme imprécise et cosmétique.

4.- Le respect et l’approfondissement des droits humains naturels, universels et imprescriptibles

Des principes essentiels comme la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ou ceux décrits dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme par l’Assemblée générale des Nations unies de 1948 sont foulés aux pieds quotidiennement. Toute la société doit être organisée pour mettre en œuvre concrètement ces droits auxquels ajouter ceux nécessaires à notre époque. La mise en œuvre de ces droits ne doit plus être conditionnée par le fonctionnement de l’économie de marché. C’est l’économie qui doit être mise au service des droits humains, par exemple à partir de mécanismes de droits opposables faisant obligation constitutionnelle à l’Etat d’agir.

Aucun des programmes des trois blocs ne s’engage dans cette voie.

5.- La protection et réparation de l’environnement et la préparation au changement climatique

L’hypocrisie domine généralement les débats sur les questions environnementales et climatiques car tous ces dérèglements proviennent du type de développement économique impulsé par le capitalisme depuis le 19e siècle. Le libre-échange, notamment, est particulièrement dévastateur. Pour avancer, il faut remettre en cause le libre-échange et la façon de faire des sociétés multinationales, prélever sur leurs profits, accepter une intervention massive des Etats.

Rien de tout cela n’existe dans les programmes des trois blocs, il n’y a que bavardages sur la question.

II.- Pour mettre en œuvre les « bons » programmes, il faut scier les quatre piliers de la mondialisation néolibérale : démondialiser

Disposer de « bons » objectifs est évidemment nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. Encore faut-il disposer en outre des bonnes stratégies pour les atteindre. Or, sur ce plan, aucun des trois blocs en compétition pour les élections législatives de 2024 n’est à la hauteur. Aucun n’expose clairement sa volonté de scier les quatre piliers sur lesquels repose le néolibéralisme. C’est pourtant cette idéologie, suivie sans discontinuer depuis le « tournant de la rigueur » de 1983 opéré par François Mitterrand alors président de la République, qui est la cause des malheurs de la France.

Elle a été élaborée à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale dans des Think-Tanks anglo-saxons. Elle visait à aider la classe dominante de la « triade » (États-Unis, Europe occidentale, Japon) à reprendre la main après les mouvements de décolonisation et sociaux des années 60 et 70 qui avaient fait trembler le capitalisme. Elle a été adoptée par Ronald Reagan, président des Etats-Unis, et Margaret Thatcher Première ministre de Grande-Bretagne au tournant des et 1970 1980. Il s’agit de la mise en œuvre de politiques publiques visant à permettre l’activité la plus libre possible pour les firmes multinationales. Celles-ci, possédées par les classes dominantes, sont le vecteur fondamental de la captation du profit.

Cette stratégie politique est celle de la mondialisation néolibérale. Elle repose sur trois piliers plus un :

• Premier pilier : le libre-échange. Il ne met pas simplement des produits en concurrence, mais des systèmes sociaux, rendant à terme intenables ceux qui ont concédé des acquis sociaux substantiels dans les décennies d’après-guerre.

• Deuxième pilier : la libéralisation financière. C’est le libre-échange appliqué à l’argent, permettant aux flux financiers et monétaires de spéculer massivement et immédiatement à l’échelle du globe sans restrictions, réorganisant la production mondiale en privilégiant les sociétés sans protection sociale et à bas salaires, et menaçant les Etats de déstabiliser leur dette publique et leur économie productive dès que ceux-ci n’exécutent pas docilement les principes cardinaux du néolibéralisme.

• Troisième pilier : les traités internationaux et institutions multilatérales. Ils sont les gardiens de l’ordre néolibéral mondial, tenant ce dernier hors de portée de toute pression démocratique. Il s’agit principalement du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC et bien entendu du système de l’Union européenne.

• Quatrième pilier : la guerre idéologique et le contrôle des grands médias par la classe dominante. Ils visent à assurer la pérennité du système, à légitimer la société de marché, à décrédibiliser tous ceux qui s’y opposent.

Une cause fondamentale explique donc la dégradation considérable des conditions de vie de la population, qu’il s’agisse des questions sociales, de l’environnement, de la démocratie ou des problèmes économiques : c’est l’élimination progressive de la souveraineté du peuple et de la nation sous les effets conjugués du néolibéralisme et du présidentialisme.

Pourtant, aucun des trois blocs ne pose clairement ce diagnostic et en tire les conclusions qui s’imposent. Un vote de soutien à ces blocs n’est donc pas possible. Il ne reste que le vote par élimination afin de ne conserver que ce que chacun jugera comme étant le « moins pire ». Il existe également la solution de voter au cas par cas, pour des candidats se rapprochant des principes qui viennent d’être énoncés.

Après les élections législatives, l’instabilité à l’Assemblée nationale et au gouvernement peut conduire à un « moment déconstituant », c’est-à-dire la prise de conscience de l’insuffisance systémique de la Constitution de la Ve République. Il devrait être alors suivi d’un « moment constituant », autrement dit la mise en place d’une « dynamique populaire constituante », débouchant sur une assemblée constituante et une nouvelle constitution replaçant le peuple en son centre.


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