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Sondage : 30 % d’abstentions à la présidentielle ? Ce n’est pas assez !

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Le journal Le Figaro, dans son édition des 15 et 16 janvier 2022, titre à la Une : « La menace de l’abstention pèse sur la présidentielle ». En effet, selon un sondage Odoxa réalisé par le journal, « près de 30 % des électeurs pourraient bouder les urnes en avril, un record historique. Une perspective qui inquiète les candidats et renforce l’incertitude à trois mois du scrutin ». Le journal ajoute : « Entre crise de confiance et COVID, le spectre de l’abstention pèse sur 2022 ». Un ministre qui a voulu garder l’anonymat explique : « Il y a collectivement intérêt à ce que les gens votent car ce serait un problème qu’un candidat soit élu dans ces conditions. Il y aurait un sujet immédiat de légitimité, et les législatives pourraient être utilisées pour rectifier le tir »…

Pourquoi la classe dominante est-elle terrorisée par l’abstention mais aussi par les votes blancs et nuls ?

Ce ministre a tout dit. Car si l’abstention (mais aussi les votes blancs et nuls) n’empêche pas l’élection d’un candidat, elle empêchera, si elle est puissante, de donner de la légitimité à celui qui sera élu. Il sera mal élu et éprouvera des difficultés à gouverner. C’est ce que ne comprennent pas les personnes qui disent « l’abstention ne sert à rien car il y aura quand même un président élu ». Ils considèrent qu’être élu, comme monsieur Macron au second tour en 2017, avec 66,10 % des exprimés et 43,61 % des inscrits (pour 20,7 millions de voix), serait la même chose qu’être élu mais avec un nombre de voix inférieur au total des abstentions, des blancs et des nuls. En 2017, face aux 20,7 millions de voix obtenues par monsieur Macron, les abstentions (12,1 millions), les blancs (3 millions) et les nuls (1 million) n’ont fait au total que 16,1 millions de voix, c’est-à-dire moins que le nombre de voix obtenues par monsieur Macron.

Imaginons maintenant que monsieur Macron (ou un autre candidat d’inspiration néolibérale), obtienne en 2022 moins de voix que le total des abstentions, des blancs et des nuls. Par exemple des résultats inversés par rapport à ceux de 2017, soit 16,1 millions pour monsieur Macron, mais 20,7 millions pour le total des abstentions, des blancs et des nuls. Est-ce vraiment la même chose que le résultat de 2017 ? Certes, Macron (ou un clone) sera élu, mais il sera nettement illégitime. Avant d’étudier les effets politiques prévisibles de ce boycott massif de l’élection présidentielle, revenons sur les notions de légalité et de légitimité.

Légalité ou légitimité ?

La distinction entre légalité et légitimité doit être comprise, car bien souvent ces notions sont utilisées l’une pour l’autre.

La légalité correspond à l’ordre juridique établi dans un pays. C’est le respect de la loi, celle-ci étant normalement l’expression de la volonté générale. Pour vérifier si tel est bien le cas, le contenu de la loi est essentiel. Si la loi est vraiment l’œuvre du peuple, directement (par référendum) ou par ses représentants (les députés), il n’existe que peu de risques qu’elle soit arbitraire ou contraire à l’intérêt du peuple (mais ce n’est pas impossible non plus). La légalité est donc la conformité à la loi, c’est ce qui est permis par la loi, elle correspond au droit écrit. Cependant, la notion de légalité est plus restreinte que celle de légitimité et caractérise ce qui est « seulement » conforme à la loi.

La légitimité, en revanche, correspond au respect de principes supérieurs à la loi qui, dans une société donnée et à un moment donné, sont considérés comme justes. Ainsi, au-delà de la régularité formelle qu’exprime la légalité d’un acte, il est nécessaire que sa valeur soit fondée sur un principe qui le justifie. Ce principe, c’est la légitimité. Dès que les gouvernants sont tenus pour légitimes, les règles qu’ils édictent bénéficient de l’autorité qu’ils tiennent de leur légitimité et ne sont pas ou peu contestés. La légitimité est donc la conformité d’une institution à une norme supérieure ressentie comme fondamentale par la collectivité qui lui fait accepter moralement et politiquement l’autorité de cette institution. La légitimité c’est ce qui est ressenti comme juste et moral par le peuple. Le sentiment de légitimité ou d’illégitimité est un ressort essentiel pour la mobilisation du peuple.

Prenons l’exemple de l’état d’urgence sanitaire

Instauré par la loi du 23 mars 2020 et prorogé jusqu’au 31 juillet 2022, il a introduit dans le code de la santé publique la possibilité d’instaurer un état d’urgence sanitaire en cas de catastrophe sanitaire. Ce principe ne semble pas contestable. Comme n’est pas contestable non plus le principe même de l’état d’urgence d’un point de vue général. Toutefois, entre l’état d’urgence pour faire face au terrorisme (13 novembre 2015 – 1er novembre 2017), et l’état d’urgence sanitaire, la France aura vécu plus de la moitié de ces six dernières années sous l’empire d’un régime dérogatoire au droit commun. Une situation totalement anormale et inquiétante du point de vue des libertés publiques en temps de paix.

Ainsi, l’état d’urgence actuel est légal, mais il n’est pas légitime car le gouvernement, sans l’état d’urgence, disposait déjà de tous les moyens pour faire face au terrorisme et à la crise sanitaire. Ces états d’urgence sont des gesticulations politiciennes, visant à donner l’impression que les gouvernements agissent, tout en voulant impressionner la population pour la domestiquer en prévision des échéances électorales de 2022.

Que peut-on attendre du boycott de l’élection présidentielle ?

Une victoire électorale de monsieur Macron à la présidentielle peut, en même temps, devenir une défaite politique pour lui du fait de son manque de légitimité. L’objectif principal du boycott citoyen est d’affaiblir la légitimité du président élu et du système présidentialiste dans son ensemble. Cette situation, dans le court terme, peut déboucher aux législatives de juin sur la mise en minorité de LREM (ou de LR) à l’Assemblée nationale, et à l’impossibilité pour monsieur Macron (ou Madame Pécresse) de mener leur politique. Le rapport de force politique sera nettement plus favorable au peuple.

Il est très probable, en cas de victoire électorale de monsieur Macron (ou de madame Pécresse), mais avec un fort boycott électoral, que la dynamique en faveur des candidats aux législatives soutenus par le président élu soit entravée, contrairement à l’expérience de ces dernières décennies. C’est la crainte qu’exprime ce ministre anonyme interrogé par Le Figaro. Nous aurions donc une nouvelle cohabitation d’un type radicalement nouveau. Car contrairement aux trois cohabitations précédentes, cette fois-ci nous n’aurions pas une cohabitation entre la droite et la gauche. Ces deux grandes familles politiques sont divisées et même morcelées, et ne représentent, à ce jour, aucune possibilité d’obtenir à elles seules une majorité à l’Assemblée nationale. Nous aurons probablement des députés LREM (ou LR) minoritaires et un plus grand nombre de groupes parlementaires. Le président élu sera paralysé. Aucune majorité cohérente n’existera à la Chambre. Le Premier ministre nommé par le président élu devra être une personnalité représentant un arc de forces politiques très dissemblables. Sur quel programme ? Certainement pas celui de monsieur Macron (ou de madame Pécresse).

Une crise politique, institutionnelle et constitutionnelle à venir

Cette crise, en attendant une future dissolution probable de l’Assemblée nationale qui ne manquera pas d’intervenir à un moment ou à un autre, propulsera la Ve République à la fois vers la IVe et la VIe République. Un retour vers la IVe République, car la « stabilité » gouvernementale réputée de la Ve République, mise en avant pour justifier son efficacité, ne sera plus qu’un souvenir. Une avancée vers la VIe République, car des conditions beaucoup plus favorables seront alors créées pour accélérer la dynamique populaire permettant au peuple d’élaborer une nouvelle constitution qui lui redonnera le pouvoir. Ce sera la garantie que les politiques menées seront favorables au peuple.

Dans la crise politique, institutionnelle et constitutionnelle qui se profile, l’intervention du peuple sera décisive. Elle permettra de trancher les différends entre des groupes parlementaires nombreux et divisés. La politique, au sens de l’action du peuple comme corps autonome reprendra ses droits. On peut espérer que les élections législatives anticipées fassent encore progresser l’idée d’une révolution constitutionnelle.

Pour y parvenir, l’abstention à la présidentielle, mais aussi les votes blancs et nuls, doivent aller largement au-delà des 30 % annoncés aujourd’hui, pour dépasser les 50 %. Tel est l’objectif de la campagne de boycott citoyen et constituant de la présidentielle : abandonner le présidentialisme grotesque et aller vers un régime parlementaire primo-ministériel beaucoup plus démocratique.


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