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Livre blanc constituant 1.0 – Annexe 2 : Le coup d’État parlementaire, en France, du 4 février 2008

Livre Blanc constituant n° 1
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Cette annexe se rapporte au chapitre VII

La Constitution doit toujours relever du peuple souverain.

Le 29 mai 2005, le peuple français, à 55 %, votait NON au référendum sur le traité constitutionnel européen (TCE). Pourtant, le 4 février 2008, les parlementaires ont été réunis en Congrès à Versailles par le Président de la République, Nicolas Sarkozy. L’ordre du jour était « Vote sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution ». Ce projet de loi constitutionnelle, modifiant le titre XV de la Constitution, avait été voté en termes identiques par l’Assemblée nationale le 16 janvier 2008, et par le Sénat le 30 janvier 2008. Il devait donc être soumis au Parlement convoqué en Congrès. Que disait cette loi constitutionnelle ? Elle remplaçait le second alinéa de l’article 88-1 de la Constitution par : « Elle peut […] participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007 ».

Préalablement, le 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel avait pris la décision n° 2007-560 DC. Le Président de la République, le 13 décembre 2007, avait saisi le Conseil constitutionnel en application de l’article 54 de la Constitution. Il lui demandait de dire si l’autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le même jour, devait être précédée d’une révision de la Constitution. La réponse du Conseil constitutionnel a été affirmative pour huit raisons, toutes liées aux menaces que le traité de Lisbonne faisait peser sur la souveraineté nationale (voir annexe 1).

Prenons quelques exemples. Selon le Conseil constitutionnel, le traité de Lisbonne n’était pas conforme à la Constitution française car :

  • Certains aspects du « principe de subsidiarité » dans sa « mise en œuvre […] pourraient ne pas suffire à empêcher que les transferts de compétence autorisés par le traité revêtent une ampleur ou interviennent selon des modalités telles que puissent être affectées les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». Il était déjà reproché à ce principe, à juste titre, depuis un certain temps, d’être volontairement ambigu afin de permettre à la Commission européenne, insidieusement, d’avoir prise sur des domaines que les traités n’attribuent pas à l’Union. Ce principe est en effet, dans la réalité, une alternative ou plus exactement un contournement de la souveraineté des États.
  • Les dispositions du traité qui modifient les règles de décision applicables, soit en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l’unanimité au sein du Conseil, « privant ainsi la France de tout pouvoir d’opposition, soit en conférant un pouvoir de décision au Parlement européen, lequel n’est pas l’émanation de la souveraineté nationale, soit en privant la France de tout pouvoir propre d’initiative ».
  • Dans « une matière inhérente à l’exercice de la souveraineté nationale », le traité de Lisbonne permet de « substituer un mode de décision majoritaire à la règle de l’unanimité au sein du Conseil des ministres ». Le Conseil constitutionnel s’oppose à de telles modifications, car elles ne nécessiteront fatalement, « le moment venu, aucun acte de ratification ou d’approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité».

Au total, la décision du Conseil constitutionnel est la suivante : « L’autorisation de ratifier le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution ». Autrement dit, le Conseil constitutionnel se couche, il accepte la remise en cause de la souveraineté nationale à condition que ce soit précisé dans la Constitution à la suite d’une révision. Au lieu de faire comme les Allemands, qui exigent que les traités européens s’adaptent à leur Constitution, les Français ont fait l’inverse. Ils ont changé leur Constitution pour l’adapter au traité de Lisbonne. Ils ont accepté la disparition de pans entiers de leur souveraineté nationale.

La loi constitutionnelle du 4 février 2008, modifiant le titre XV de la Constitution pour permettre la ratification du traité de Lisbonne, fac-similé du TCE rejeté par les Français lors du référendum du 29 mai 2005, a donc permis à la Constitution française de devenir compatible avec le traité de Lisbonne. Telle est la conséquence de la décision du 20 décembre 2007 du Conseil constitutionnel.

Le traité de Lisbonne a ainsi été constitutionnalisé. Désormais, un Gouvernement français qui voudrait s’opposer, par exemple, à des directives européennes de libéralisation, ne le pourrait pas. Le Conseil constitutionnel serait immédiatement saisi par les parlementaires européistes de gauche et de droite au motif que refuser d’appliquer une directive européenne n’est pas conforme à la Constitution puisque celle-ci a désormais intégré le traité de Lisbonne en son entier. Il ne fait aucun doute que le Conseil constitutionnel annulerait de telles décisions.

Manœuvres de Sarkozy

Après sa sévère défaite au référendum du 29 mai 2005, le camp du OUI était accablé. Il devait trouver quelque chose pour rebondir. C’est Nicolas Sarkozy, « éclairé » par un obscur conseiller, qui va trouver la solution pour la classe dominante. Il va proposer de transformer le traité constitutionnel européen devenu caduc parce que rejeté par le référendum, en ce qui sera appelé « mini-traité » ou « traité simplifié ». Cette idée particulièrement tordue est venue du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a jugé seul que les principales dispositions du TCE n’avaient pas fait l’objet de « contestation ». C’est totalement faux et même hallucinant ! Pendant la campagne référendaire de 2005, tout le TCE a été critiqué. La démarche de Sarkozy a été grossièrement arbitraire et relevait de la pratique d’une dictature. C’est un coup d’État selon la professeure de droit public Anne-Marie Le Pourhiet[1]. Dire que cette révision constitutionnelle visait à adopter un « traité simplifié » n’était évidemment qu’une farce. Avec 12 protocoles, 25 déclarations diverses et 256 pages, il était difficile de faire pire en matière de complexité. Ce texte, qui allait devenir le traité de Lisbonne, ne faisait que recopier l’essentiel du TCE qui, sorti par la porte, rentrait par la fenêtre.

La nature néolibérale et donc antidémocratique des processus européens, explique largement pourquoi le peuple français a massivement rejeté le projet dit de « Constitution » européenne en 2005. Ce rejet s’est fait contre quasiment toute la classe dirigeante française, tous bords confondus, de la très grande majorité des intellectuels et de tous les principaux médias. Depuis ce referendum, le refus du peuple français d’accepter de nouveaux transferts de souveraineté est incontournable. D’ailleurs, le projet de « traité portant sur une constitution européenne » (TCE) avait repris l’ensemble des traités européens antérieurs. C’est donc bien à l’ensemble du projet européen, projet qui ne repose que sur des traités, que les Français ont dit NON.

La nouvelle Constitution (ou une profonde révision de l’actuelle), doit donc interdire au Congrès de réviser la Constitution. Le Congrès devra donner son opinion, mais toutes les lois constitutionnelles doivent être soumises à référendum.

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Marie_Le_Pourhiet


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