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Le cas où Marine Le Pen est donnée gagnante à la présidentielle

Le cas où Marine Le Pen est donnée gagnante à la présidentielle
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Étrangement, le premier sondage qui donne Marine Le Pen gagnante à l’élection présidentielle, dans certaines conditions, est passé inaperçu des grands médias. On y apprend que si Jean-Luc Mélenchon ou Yannick Jadot, et probablement aussi Anne Hidalgo, parvenaient au second tour de la présidentielle, et qu’ils soient opposés à Marine Le Pen, cette dernière emporterait la victoire. Si cette hypothèse paraît peu vraisemblable, elle peut en revanche déclencher un vote « stratégique » à gauche favorisant un vote « utile » dès le premier tour. Les candidats de la droite, de leur côté, quels qu’ils soient, selon le sondage, gagneraient le duel face à la représentante du FN/RN.

La gauche et la droite, prises en tenaille entre Macron et Le Pen, n’auraient plus que deux solutions pour éviter le désastre : désigner un candidat unique qui serait en quelque sorte leur « tiers de confiance », ou appeler à l’abstention, au vote blanc ou nul dès le premier tour, en retirant leurs candidats. Le président élu serait alors privé de toute légitimité. La situation politique s’ouvrirait peut-être à nouveau au lendemain de la présidentielle et des législatives.

Cependant, toutes ces contorsions démontrent l’obsolescence du mode d’élection du président de la République au suffrage universel direct et plus largement du système présidentialiste. L’action la plus efficace, la plus spectaculaire, celle qui porte l’espoir demeure une mobilisation massive, dès le premier tour, en faveur du vote blanc, du vote nul, ou de l’abstention pour dénoncer cette mascarade électorale. Parallèlement, les abstentionnistes, votes blancs et nuls de la présidentielle, dans un mouvement de sens inverse, voteraient en masse pour des candidats « constituants » aux législatives, issus directement des citoyens rassemblés dans des comités locaux constituants.

Mélenchon, Jadot, Hidalgo battus par Le Pen

Le 12 avril, un sondage Ifop-Fiducial diffusé par le Journal du dimanche et Sud Radio donnait, pour la première fois semble-t-il, une hypothèse de victoire de Madame Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2022. Il faudrait pour cela que messieurs Mélenchon et Jadot ou Madame Hidalgo parviennent au second tour et lui soient opposés. Monsieur Mélenchon se ferait écraser, Madame Le Pen obtenant 60 % des voix. Monsieur Jadot se ferait battre, Madame Le Pen obtenant 53 % des voix. Madame Hidalgo serait sur la balance puisqu’elle est donnée à 50/50. Ces résultats s’expliquent par un très mauvais report des voix de la droite vers la gauche. Si le « front républicain » reste encore relativement appliqué par une fraction significative de l’électorat de gauche, ce n’est plus le cas pour l’électorat de droite. C’est Monsieur Mélenchon qui obtient le plus mauvais résultat, puisque 71 % de l’électorat de Monsieur Macron s’abstiendraient, comme 51 % de l’électorat de Monsieur Bertrand (si ce dernier était le candidat de la droite), et 54 % de celui de Madame Hidalgo. Il est dommage, pour des raisons de parallélisme des formes, que l’institut de sondage n’ait pas testé les sondés sur l’hypothèse d’un duel au second tour de ces mêmes candidats de gauche avec Monsieur Macron. C’est peut-être parce que le résultat ne fait aucun doute, car les trois leaders de la gauche seraient très probablement encore plus largement battus. Ou peut-être existe-t-il une autre explication ?

La conclusion vers laquelle nous entraîne ce sondage est paradoxale. A priori, au premier tour de la présidentielle, les électeurs font un vote de conviction. C’est, du moins, depuis des décennies, leur comportement habituel. Ils soutiennent les candidats qui se rapprochent le plus de leurs idées. Or, les électeurs de gauche qui auront voté pour Monsieur Mélenchon, ou Monsieur Jadot, ou Madame Hidalgo, si l’un des trois parvient au second tour, provoqueront, selon le sondage, la victoire de Madame Le Pen ! Bien sûr, cette hypothèse est peu vraisemblable, car le poids respectif de ces personnalités politiques ne leur permet pas, en l’état actuel des choses, d’espérer parvenir au second tour. On ne voit pas quels sont les événements spectaculaires qui pourraient inverser cette tendance, afin que l’un des trois candidats de gauche arrive à la fois devant Monsieur Macron et le candidat de la droite pour se retrouver face à Madame Le Pen. On peut d’ailleurs tenir un raisonnement identique pour la droite, même si ses candidats, eux, l’emporteraient face à Madame Le Pen. À condition, bien évidemment, qu’ils parviennent au second tour, ce qui est pour l’instant hors de leur portée, comme pour la gauche, car ils devraient passer devant Monsieur Macron ou Madame Le Pen, placés largement devant.

Un vote « stratégique » ?

En revanche, une partie de l’électorat de gauche peut choisir ce que l’on appelle un vote « stratégique » au premier tour vers lequel, insidieusement, les conduit le sondage. Pour conjurer la possibilité d’une élection de Madame Le Pen, qui fait encore toujours très peur à beaucoup d’électeurs de gauche, une partie de cet électorat pourrait être tentée de voter Macron dès le premier tour afin d’être certaine que ce dernier sera présent au second tour pour l’emporter et « faire barrage » à Madame Le Pen. Pourquoi la gauche ne referait-elle pas en 2022 ce qu’elle avait fait en 2017 ? Seule différence : au lieu de voter pour le « moins pire » au second tour, comme c’était le cas jusqu’à présent. Ce vote s’effectuerait dès le premier tour. Cette distinction, au demeurant, n’est plus valable. Qui peut dire aujourd’hui, de Monsieur Macron ou de Madame Le Pen, celui qui est le pire ? Pour le constitutionnaliste Stéphane Rials, par exemple, le macronisme est « une extrême-droite de notre temps ».

La gauche et la droite, pour éviter le désastre qui s’annonce pour elles à cette élection présidentielle, ont néanmoins deux possibilités pour redresser la barre. Elles peuvent désigner un candidat unique qui serait leur « tiers de confiance », ou appeler à l’abstention, au vote blanc ou nul. Dans les deux cas, gauche et droite retireraient leurs candidats.

Un « tiers de confiance », par exemple en matière fiscale, est choisi pour la représenter par une personne physique ou morale parmi les professions réglementées comme avocat, notaire ou expert comptable. Tous les partis de gauche d’un côté, et tous les partis de droite d’un autre côté, se mettraient d’accord sur une personnalité qui jouerait le rôle de « tiers de confiance ». Cette personnalité ne serait membre d’aucun parti politique, elle serait « neutre » vis-à-vis de chacun d’entre eux. Ces deux personnalités deviendraient candidat unique, l’une pour la gauche, l’autre pour la droite. Leur programme serait le plus petit dénominateur commun. Là encore, la probabilité de réalisation de cette possibilité paraît faible, non seulement à cause des divisions internes à ces deux grandes familles politiques, mais aussi du fait de l’ego des dirigeants des partis qui les composent et qui devraient tous se retirer de la compétition.

Il reste une seconde solution : que les partis de gauche et de droite ne présentent aucun candidat à la présidentielle et appellent à l’abstention, au vote blanc ou au vote nul. L’intérêt de cette stratégie serait d’isoler Monsieur Macron et d’affaiblir considérablement sa position au lendemain de l’élection présidentielle si c’est lui qui est élu. Si c’est Madame Le Pen, le résultat sera le même, elle sera mal élue et n’aura aucune légitimité ni majorité à l’Assemblée nationale. La situation politique s’ouvrira alors, permettant à la gauche et à la droite de se refonder, si elles en ont encore les forces. Et la volonté.

Reste le cas des « petits » candidats qui, avec le printemps, se mettent à bourgeonner. Ils seront broyés. L’intensité des enjeux politiques et la dramatisation de la campagne les feront passer inaperçu malgré l’illusion que la plupart cultivent de profiter de cette élection pour se faire connaître. Ils devraient renoncer à persévérer dans l’impasse dans laquelle ils s’enfoncent. Ce serait dommage, à quelques pourcents près, qu’ils empêchent la victoire des blancs, des nuls et de l’abstention sur le vote Macron (ou Le Pen), tout en restant dans les ténèbres.

Une forte probabilité de réélection de Monsieur Macron

Finalement, la probabilité de la réélection de Monsieur Macron reste la plus crédible. Un seul facteur pourrait remettre en cause son succès : l’échec sur le front de la maîtrise de la pandémie et de ses conséquences sur les plans économique et social.

La stratégie la plus efficace pour les citoyens demeure le vote blanc, le vote nul ou l’abstention dès le premier tour, avec pour objectif de provoquer un « moment déconstituant ». C’est-à-dire une contestation massive du régime présidentialiste, clé de voute du système, qui se traduirait par un nombre record de blancs, de nuls et d’abstentions, supérieur au nombre de voix obtenues par le candidat élu. Ce refus de participer à cette mascarade électorale créerait un rapport de force politique beaucoup plus favorable pour le changement du régime politique, préparant le « moment constituant » que deviendraient les élections législatives qui suivront. Si des candidats constituants étaient désignés par des comités locaux de citoyens, la dynamique politique et électorale pourrait leur être favorable.

On observera, une nouvelle fois, au travers de cette enquête, la malhonnêteté intellectuelle des instituts de sondage. Dans les « intentions de vote » qu’ils sont censés recueillir, ils n’intègrent pas les votes blancs et nuls, qui sont pourtant des intentions de vote. Ils n’intègrent pas non plus les intentions de non-vote (les abstentions) qui sont aussi un comportement électoral.

En outre, comment interpréter le fait que l’institut de sondage teste un duel de deuxième tour opposant Madame Le Pen aux trois candidats de gauche, mais pas à Monsieur Macron ? N’y a-t-il pas, dans l’inconscient des sondeurs, l’idée que Macron est « moins pire » que Le Pen ? Ont-ils conscience qu’ils délivrent ainsi un message subliminal aux électeurs les invitants, de fait, à choisir le vote « utile » dès le premier tour ? La composition de l’actionnariat de l’Ifop est-elle liée à cette petite manipulation ? En effet, l’Ifop a été longtemps la propriété de Laurence Parisot, présidente du Medef, le syndicat du grand patronat. Elle a revendu ses actions à la famille du milliardaire Norbert Dentressangle, 54e fortune française selon Capital ? Ou encore, cette enquête fallacieuse, a-t-elle un rapport quelconque avec l’actionnariat du JDD (propriété de la famille du milliardaire Lagardère). Ou aussi avec l’actionnariat de Sud Radio, propriété du groupe Fiducial appartenant à la famille du milliardaire Latouche, 56e fortune française ?

Il n’y a que du beau monde dans cette affaire : Lagardère, Latouche, Dentressangle, tous milliardaires, tous tuteurs de Monsieur Macron… À quand une réglementation de transparence et d’honnêteté s’appliquant aux instituts de sondage ?


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11 commentaires sur “Le cas où Marine Le Pen est donnée gagnante à la présidentielle”

  1. Bonjour,

    merci de votre message. Oui c’est vrai, Macron était le « tiers de confiance » de fait des oligarques de droite et de gauche.
    Quant à la notion de légitimité, elle n’est pas un concept juridique mais politique. Toute l’histoire politique montre qu’un pouvoir illégitime est très affaibli, gouverne difficilement, et à terme s’écroule. Un des exemples les plus fragrants est l’URSS. Tout cela n’a donc rien de « farfelu », bien au contraire.
    Cordialement.
    L’équipe de La Dynamique

  2. « La gauche et la droite, pour éviter le désastre qui s’annonce pour elles à cette élection présidentielle, ont néanmoins deux possibilités pour redresser la barre. Elles peuvent désigner un candidat unique qui serait leur « tiers de confiance » »

    Mais c’est bien ce qui s’est passé dans les faits, de façon informelle, lors de l’élection de 2017 ! Sentant venir une vague de « dégagisme » les prétendus socialistes et les soi-disant républicains ont fini par se rallier à Macron « le moins pire », technocrate « apolitique » et fier de l’être. Ses troupes se sont d’ailleurs constituées de pas mal de transfuges des uns et des autres pour former une nébuleuse « d’extrême centre ». Extrême non pas par son positionnement sur l’échiquier politique mais par son arrogance, son intolérance et sa prétention à être « les seuls capables de faire tourner la boutique ». Argument qui a désormais, « grâce » à l’épidémie, pas mal de plomb dans l’aile…

    « La constitution ne prévoit pas de quorum qui permettrait de rendre un élu illégitime, ni au premier tour ni au second tour, donc cet argument est farfelu, même si le nombre d’abstention est supérieur au nombre de suffrages exprimés. »

    Certes…mais politiquement la situation serait rapidement ingérable: un gouvernement légalement élu mais illégitime.

  3. Absolument pas. La légitimité ou l’illégitimité est une notion politique, pas juridique. En politique, ce qui compte avant tout n’est pas la légalité mais la légitimité. Celle-ci autorise à agir même contre la légalité. Par conséquent, faire la preuve que le président élu n’est pas légitime parce qu’il a moins de voix que le total des abstentions, blancs et nuls est fondamental. Il faut faire de la politique, pas de l’arithmétique ni du juridisme. Sinon on fait du surplace ! Nous n’obligeons personne à être d’accord avec nous, mais nous nous tentons d’avancer au lieu de tourner en rond.

  4. Rassembler les peuples européens est un objectif fondamental, dans le cadre du respect de leur souveraineté, pour répondre aux besoins des populations et jouer un rôle modérateur à l’échelle internationale. L’Europe fédérale voulue par les classes dominantes est à l’opposé de cet objectif. Elle vise à éliminer la souveraineté des États pour permettre une application plus facile de la doctrine néolibérale.

  5. La différence essentielle entre Macron et Le Pen est que macro veutr faire avancer l’Europe. N’importe qui d’à peu près informé sait bien que notre avenir passe par la construction d’une Europe Fédérale puissante et unie (fin de la règle de l’unanimité) seule capable de faire le poids face à la CHine et aux Etats-Unis. Faire l’Europe est la priorité absolue. Macron est le seul à en être persuadé.

  6. bonjour,
    la question que vous soulevez dans votre dernier paragraphe est intéressante ; on sait ce qu’on peut penser des sondages et de leur institut; il me paraît évident que le grand patronat ainsi que les grande fortunes préfèrent miser sur le cheval Macron plutôt que sur M. le Pen, non que que cette dernière ne soit pas tout aussi proche des patrons, des banquiers, de l’UE, et qu’en effet , la différence significative entre leur politique réelle reste à trouver, mais enfin il est plus présentable. De toutes façons, les « grands de ce monde » trouveront quelqu’un d’autre d’ici 2022 si Macron présente un bilan gestion covid trop défavorable à leurs yeux; cela dit c’est déjà le cas pour les populations qui n’en peuvent plus…..
    D

  7. Celui qui va gagné c’est Fadi Cassem du PRCF? SON PROGRAMME EST marxiste, les gens vont pas en revenir ils ne le connaissaient pas, même Macron ne va pas s’en remettre.

  8. L’analyse présente ne prend pas en compte, ni la constitution actuelle ni les mathématiques primaires

    La constitution ne prévoit pas de quorum qui permettrait de rendre un élu illégitime, ni au premier tour ni au second tour, donc cet argument est farfelu, même si le nombre d’abstention est supérieur au nombre de suffrages exprimés.

    Mathématiquement si on s’abstient de voter on favorise celui qu’on veut éliminer puisque don pourcentage de votes sera plus élevé. Ce monsieur qui prône l’abstention est un vrai de Macron.

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