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État de droit et démocratie, déni de démocratie de la Vème République

Déni de démocratie
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Par Fontaine André sur Le blog de fontainedelapolitique

Sans entrer dans les détails, on peut dire que “État de droit “ désigne un État dans lequel le droit s’applique à tous les citoyens et que “démocratie“ est une forme de gouvernement dans laquelle tous les citoyens participent à l’élaboration des lois. Les tenants d’un régime politique en place ont intérêt à ce que l’État qu’ils contrôlent soit un État de droit afin que les lois qu’ils éditent soient respectées par tous les citoyens sans barguigner . La France peut en gros être considérée comme un État de droit.

         Marine Le Pen s’insurge contre la condamnation qui la frappe et crie au déni de démocratie. Cependant, elle reste dans le domaine du droit en faisant appel et en même temps elle se place dans les perspectives électorales des futures présidentielles. Où est donc, pour elle, le déni de démocratie? Son attitude politique me paraît contradictoire car je pense que la France n’est plus, depuis longtemps, une démocratie, donc que l’État de droit recouvre logiquement cet état de fait ; et c’est dans ce sens là qu’on peut parler de déni de démocratie. Depuis des décennies, les lois sont élaborées par des Assemblées nationales élues suivant des lois électorales soigneusement polies pour que ces assemblées soient les représentantes d’une oligarchie regroupée derrière un seul homme, le Président. Ceci faisait l’objet de mon précédent article intitulé “Enfin, la fin“.

      Nous sommes dans un État de droit dont beaucoup de lois ont été élaborées suivant un processus non démocratique.

         Les rapports “État de droit“ et “démocratie“ deviennent cruciaux en cas de changement de régime, quand on proclame qu’il faut remettre en chantier la constitution pour rétablir la démocratie. Se pose alors la question : faut-il abolir les lois antérieures, les rejeter toutes ou indiquer celles qu’on ne peut accepter, au nom du fait que l’Assemblée nationale et les gouvernements n’étaient alors que l’expression d’une coterie dont la légitimité ne reposait pas sur le respect de l’égalité de tous les citoyens.

            On sait, par exemple, que, dès 1940 et jusqu’à la Libération, la position de de Gaulle vis à vis de l’État français fut le rejet complet des initiatives législatives de Pétain et « Aux termes des articles 2 et 3 de l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine, « l’acte dit loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 » — qui servit de socle à l’édification du régime de Vichy — a été déclaré nul et de nul effet » .

          En mai 1958, dans la foulée du putsch d’Alger, René Coty appelle de Gaulle comme Président du Conseil. Investi le 1er juin par 329 voix contre 224,  l’Assemblée nationale lui accorde le lendemain les pleins pouvoirs pendant 6 mois en vue d’élaborer une nouvelle constitution que Michel Debré fut chargé de rédiger.

         Cette constitution  de 1958, approuvée par référendum n’apparaissait pas, de prime abord, comme très dangereuse pour la démocratie. Si dans sa présentation elle privilégiait le Président, elle n’avait guère augmenté ses pouvoirs qui restaient conformes au sens du verbe ‘présider’, c’est à dire contrôler le fonctionnement des institutions sans s’immiscer dans les orientations politiques.  En revanche les lois organiques qui accompagnent la constitution ont été modifiées, notamment l’élection des députés à l’Assemblée nationale : ils ne sont plus élus  à l’échelle de la nation à la proportionnelle des voix obtenues par leur parti, mais par circonscription à un scrutin uninominal. La nation n’existe plus, la France n’est que l’ensemble de 577 confettis.

          Le clientélisme à pris la place de la lutte pour les orientations politiques.

        Une telle transformation était justifiée par la volonté de mettre fin au système des partis, tant dénoncé par de Gaulle. Et elle y a réussi. D’autant mieux que, en 1962, semble-t-il contre l’avis de Michel Debré qui cède sa place à Georges Pompidou, de Gaulle obtient par référendum l’élection du Président  au suffrage  universel direct des citoyens.

         Le clientélisme n’est plus l’apanage des seules circonscriptions, il s’étend à la France entière.

         A partir du moment où, quels que soient ses pouvoirs constitutionnels, un homme est élu Président des institutions au suffrage universel direct, ce dernier oint de l’approbation d’une majorité des votants au second tour se considère au-dessus de tout député ou de tout représentant d’un parti, finalement au dessus des lois qu’il n’aurait pas approuvées. L’État de droit devient l’État du Président. L’essentiel de la politique n’est plus la réflexion sur la division sociale; mais la formation d’une structure qui vous porte à la première place. La Cinquième République en est un bon exemple.

        En 1958, les partis n’ont pas disparu du jour au lendemain. La polémique politique a toujours été un des caractères du peuple français et il a. fallu des décennies d’affaiblissement pour en venir à l’évanouissement des partis dans lesquels les adhérents débattaient des orientations à proposer au peuple. Ils sont devenus de simples écuries avec pour mission d’amener leur poulain à la victoire. L’exemple type est celui de Macron. Après quelques années de fréquentation des allées du pouvoir, il a réuni autour de lui en ensemble de clients et à ce clan il a donné le nom sans couleur politique de « En marche ». Organisés suivant les structures administratives, les différents échelons locaux étaient libres de choisir localement leurs positions et leurs alliances. Un seul lien : s’engager à voter et faire voter Macron aux prochaines élections présidentielles.

  Actuellement beaucoup de partis plaident pour le changement de constitution au nom de la démocratie, mais tous se placent dans la perspective des futures présidentielles sans dire que la première mesure à prendre serait justement de supprimer cette élection qui est à la source du glissement vers l’absence de démocratie. Tant qu’ils ne proclameront pas leur opposition à toute élection d’un responsable politique national à un suffrage uninominal direct, que ce soit le Président ou les députés, je douterai de leur volonté de mettre un terme au déni de démocratie dans lequel nous plonge la Vème République. Ceci ne nécessite pas un référendum, simplement de nouvelles lois organiques votées par l’ensemble du Parlement.

           Vive la démocratie ! À bas l’élection présidentielle !


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