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Sortir de l’UE : une question de survie

  • Stanisos 
Sortir de l’UE : une question de survie
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Transcription de l’interview de Jacque Nikonoff sur la chaîne youtube QG.MEDIA

« Sortir de l’UE : une question de survie » avec Jacques Nikonoff et François Boulo – QG.MEDIA

QG Média : Dans une démocratie, on a coutume de dire que toute vérité doit pouvoir être discutée. Mais depuis des décennies, il y en a une qui fait figure de dogme indépassable « Notre avenir c’est l’Europe » et malheur à tous ceux qui oseraient critiquer ce totem. Ce sont des fous, des inconscients, des irresponsables. Quittez l’euro ? Mais enfin, vous n’y pensez pas. Ce serait une catastrophe économique sans précédent. L’Europe, c’est la paix. Ensemble, on est plus fort. La France serait bien trop petite dans ce monde de géant pour naviguer seul à travers la concurrence mondiale. Voilà le catéchisme qui nous est servi du soir au matin sur toutes les antennes des médias officiels.

Mon invité d’aujourd’hui soutient exactement l’inverse. Pour lui, le véritable cataclysme, c’est de rester dans l’Union européenne. Il ne prétend pas qu’une sortie soit facile, mais il soutient qu’elle est impérative si l’on veut sortir du néolibéralisme qui appauvrit année après année les classes populaires et les classes moyennes. C’est pour lui la condition sine qua non pour que la France reprenne en main son destin et retrouve son rang dans le concert des nations.

Aujourd’hui, je reçois une figure singulière du paysage politique français, Jacques Nikonoff, ouvrier et délégué CGT au début de sa carrière. Il a ensuite été diplômé de l’ENA, professeur associé d’économie à l’université Paris 8. Il a aussi été administrateur civil à la Caisse des dépôts, attaché financier au trésor et membre du collège exécutif du PC. Membre fondateur et ancien président d’attaque France de 2002 à 2006, il a joué un rôle important dans la victoire du non au référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005. Issu de la gauche alter mondialiste, il a opéré une rupture nette avec la gauche traditionnelle en fondant le parti de la démondialisation, le PARDEM, en 2016 dont il a été le premier président.

Il anime aujourd’hui la Dynamique Populaire Constituante et sa thèse est radicale. Il plaide pour une restauration de la souveraineté nationale et surtout une sortie unilatérale et immédiate de l’euro et de l’Union européenne. C’est ce scénario que nous allons décortiquer ensemble. Jacques Nikonov, bonjour. Bonjour. Alors tout de suite, je mets les pieds dans le plat.

Première question :

Vous critiquez souvent la gauche traditionnelle, le Parti socialiste, Europe écologie des verts, parfois la France insoumise aussi. Pourquoi vous considérez que la gauche ne peut pas être sociale tant qu’elle reste dans l’Union européenne ou qu’elle veut rester dans l’Union européenne ? J’ajouterai à votre liste le Parti communiste et la plupart des groupes d’extrême gauche qui sont tous favorables au système actuel de l’Union européenne.

Jacques Nikonoff : Je ne suis pas contre un type de construction européenne, bien au contraire. Il faut avoir des relations de bon voisinage. Il faut essayer de construire un ensemble international qui puisse compter avec les géants que sont les États-Unis, la Chine et d’autres. Et ce qui pose problème ce n’est pas cela, c’est l’européisme, c’est-à-dire l’acceptation de l’euro-libéralisme parce que le type de construction européenne actuelle, c’est l’euro-libéralisme.

Et c’est là-dessus que la gauche a failli car on ne peut pas changer la situation de la population positivement, résoudre les problèmes du chômage, résoudre les problèmes des services publics, de la santé avec ce système qui est fait exactement pour l’inverse. C’est donc ça le problème. Et on ne peut pas non plus accepter que la gauche continue à mentir ou à masquer les véritables enjeux, pour des raisons purement électorales.

Je pense qu’il faut être tout à fait clair. On ne peut pas continuer à accepter le narratif historique du système de l’Union européenne en disant l’Europe c’est la paix et de parler d’Europe sociale, on voit aujourd’hui que tout ça est faux. Est-ce que la gauche va continuer à faire semblant de croire à ces balivernes ? La gauche évidemment elle a des responsabilités mais la droite c’est pareil.

L’essentiel des partis de droite sont d’accord là-dessus comme je dirais toute une série d’autres groupes qui sont tout à fait naïfs en la matière. Je ne veux pas exonérer la gauche de ses responsabilités dans cette affaire parce que je suis issu d’une gauche communiste. Mes parents étaient communistes, mes grands-parents étaient communistes, c’était des résistants. Donc j’ai une autre vision de la France et une autre vision de ce que la gauche doit faire. En fait, si on veut faire une politique plus sociale, il faut aller contre le néolibéralisme. Et l’Union européenne, elle fixe en quelque sorte le néolibéralisme.

Mais pourquoi l’Union européenne fixe dans le marbre les dogmes du néolibéralisme ? Pourquoi on ne peut pas changer de politique économique en restant dans l’Union européenne ? C’est très simple, mais la gauche refuse de l’admettre. Elle l’a un peu admis au moment du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, mais ce système a été construit dès le début pour favoriser le marché.

Ça s’appelle d’ailleurs au début le marché commun. On n’a pas commencé une construction européenne à partir des questions sociales ou des questions démocratiques. Non, on a commencé par le marché. Pourquoi commencer par le marché ? parce que les classes dominantes veulent, c’est leur objectif permanent, bloquer toute possibilité d’avoir des gouvernements qui prendraient des décisions qui ne leur soient pas favorables, c’est-à-dire des décisions qui permettraient d’améliorer la situation de des classes populaires, des classes moyennes.

Mais quand vous améliorez la situation des classes populaires et des classes moyennes, cela se fait nécessairement au détriment du capital. Et donc il y a un problème de répartition entre le capital et le travail. Et les classes dominantes veulent un système qui préserve la part du capital. C’est extrêmement simple à comprendre. Ils ont donc mis en place un système institutionnel dont l’unique objet est d’empêcher toute politique qui ne soit pas conforme à ce qu’on appelle le néolibéralisme, c’est-à-dire des politiques favorables aux affaires, aux grandes firmes, etc.

Je m’étonne que des gens sérieux, à gauche par exemple, ne comprennent pas cela. Cela m’étonne et m’étonnera toujours.

QG Média : Alors pour aller contre le néolibéralisme, vous vous prenez le concept de démondialisation. Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi ce concept est plus large que celui du protectionnisme qui renvoie plutôt à la hausse des droits de douane aux frontières ?

Jacques Nikonoff : En quoi ce concept de démondialisation est plus large, plus global comme approche politique ?

La mondialisation néolibérale repose sur quatre piliers :

  1. Le premier pilier, vous l’avez dit, c’est le libre échange. C’est la libéralisation du commerce international.
  2. Le deuxième pilier, c’est la libéralisation des marchés financiers.
  3. Le troisième pilier, c’est ce dont je parlais à l’instant, c’est la mise en place d’institutions qui servent à verrouiller les politiques néolibérales. C’est le système de l’Union européenne, c’est le système des banques centrales, c’est le FMI, c’est l’OMC.
  4. Le quatrième pilier, c’est la guerre idéologique permanente avec la concentration des grands médias aux mains des classes dominantes via leurs entreprises de l’armement, leurs institutions financières et cetera pour faire avaler l’idéologie néolibérale, inculquer le virus néolibéral, inoculer le virus néolibéral dans les esprits.

La démondialisation consiste à scier les quatre piliers sur lesquels repose la mondialisation néolibérale et les scier à l’échelle nationale. Et c’est là-dessus que nous ne sommes pas du tout d’accord avec la gauche, car elle ne pense plus nationale. Elle considère que le concept de nation c’est terminé, qu’il faut se fondre dans des ensembles comme l’Union européenne.

Mais ça ne bouge pas dans l’Union européenne. C’est fait exactement pour ne pas bouger. Il faut donc prendre des initiatives nationales et donc scier les quatre piliers sur lesquels repose la mondialisation néolibérale à l’échelle nationale. S’il y a d’autres pays qui veulent y aller, allons-y. Mais on va pas attendre que tout le monde soit d’accord, il faut avancer.

Alors l’un des instruments c’est notamment le fait d’avoir privé la France de sa souveraineté monétaire en ayant institué l’euro.

QG Média : Alors pour vous l’euro c’est pas simplement une monnaie mal conçue. Vous dites que c’est une arme de guerre de classe. À qui profite l’euro en fait finalement ?

Jacques Nikonoff : L’euro, c’est très simple, c’est une arme de destruction massive de l’emploi. Voilà la fonction de l’euro. Si on regarde les statistiques depuis le début de l’euro, la zone euro est la zone économique la plus médiocre du monde. Sur tous les paramètres en termes de croissance économique, en termes d’emploi, en termes d’investissement, c’est catastrophique. Et ce qu’il faut bien comprendre, une monnaie commune en soi n’est pas quelque chose de condamnable. Quand il y a les conditions réunies pour y parvenir c’est intéressant une monnaie commune. Mais là aucune des conditions n’était réunie.

Le point sur lequel je veux insister et qui n’est quasiment jamais abordé dans le débat, c’est pourquoi l’euro frappe particulièrement la France, c’est-à-dire pourquoi nous sommes nous français défavorisés par rapport aux autres avec l’euro ? Cela vient du fait que avant l’euro, il y avait le système le serpent monétaire européen et ensuite le système monétaire européen. Tout cela issue de la politique de Mitterrand au moment du tournant de la rigueur en 1983. Mitterrand a mené une politique qu’on appelait la politique du Franc fort, la désinflation compétitive. Pourquoi ? parce qu’il avait lancé à partir de 1981, quand il a gagné l’élection présidentielle, une relance kénésienne qui n’était pas mauvaise mais qui a oublié d’utiliser deux armes macroéconomiques tout à fait considérables que sont la monnaie et le protectionnisme.

Il a pas voulu faire jouer ces instruments. Résultat, la relance kénésienne au lieu de favoriser l’emploi en France a favorisé l’emploi à l’étranger parce que les Français qui avaient du pouvoir d’achat ont acheté des produits étrangers et c’est ça qui a posé le problème. Et donc pour donner un semblant de crédibilité à la politique française, Mitterrand a considéré qu’il fallait relier le franc au Mark. Le Mark était le symbole de la rigueur monétaire, du sérieux. Donc si la France se liait au Mark, c’est-à-dire qu’elle établissait une parité de change quasi fixe avec le Mark, la France aurait bénéficié de cette discipline monétaire soi-disant allemande. C’est donc ce qui a été fait.

Mais le résultat c’est quoi ? Le résultat c’est que le Franc est devenu surévalué et c’était le prix à payer pour se rapprocher du Mark et donner cette impression de discipline. Dans tout ce qui était prévu, relance de l’investissement, baisse de l’inflation, développement économique, développement de l’emploi, une seule chose parmi ces objectifs a réussi, c’est la baisse dans l’inflation.

Mais le prix à payer a été le chômage de masse. Alors, je termine là-dessus sur ce développement peut-être un peu compliqué et long, mais comment s’est fixé la parité des monnaies nationales quand l’Euro a été créé ? Il y a eu une décision qui était la suivante : Le 31 décembre 1998, la veille du lancement de l’euro scriptural, avant que l’Euro arrive dans les portes-monnaies des gens sous forme de pièces et de monnaie, il a été lancé pour les banques et les entreprises.

C’est la parité de change au 31 décembre 1998 qui a été retenue. Une parité de change ça doit permettre de refléter la réalité économique. Comme il y avait le Franc fort et que ce Franc était déjà surévalué quand nous sommes passés à l’Euro, nous sommes passés à un Euro qui était surévalué structurellement. Et aujourd’hui on ne peut plus ajuster la parité quand on est dans l’Euro c’est fini, il n’y a plus le Franc. Nous sommes donc avec cette croix que nous portons depuis le début avec un Euro structurellement dévalué. Le résultat, c’est que les entreprises pour exporter ont un handicap, elles ont un boulet au pied qui est la surévaluation du Franc. Si vous vous ajoutez à cela le marché de l’électricité européenne complètement délirant qui a augmenté les prix, la politique avec le gaz russe alors que nous avions une ressource à bon à bon marché, et bien tout cela fait que les entreprises françaises sont les plus pénalisées du système de l’Union européenne à cause essentiellement de cette surévaluation initiale.

Et je termine d’un mot en disant qu’on ne pourra pas réindustrialiser la France, ça n’est pas possible parce que avec ce handicap de la surévaluation nous n’y arriverons pas. Alors, comment font les entreprises ? Si on ne peut pas dévaluer, faire une dévaluation externe, on fait de la dévaluation interne. Qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que ce sont les salaires et l’emploi qui vont devenir la variable d’ajustement. On va faire pression sur les salaires et sur l’emploi pour avoir de la compétitivité qu’on ne peut pas obtenir par un ajustement monétaire. C’est absolument aberrant, c’est scandaleux.

D’ailleurs, tous les gens qui nous parlent de l’industrie et cetera, ils ne parlent jamais de cette question. Ça leur fait peur parce qu’ils croient que c’est fini, qu’on ne peut pas, mais ce que l’on a fait, on peut le défaire. C’est justement la question qu’il faut mettre en débat.

Pour voir l’émission en entier 👉  QG.MEDIA


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