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Questions et réponses à propos de la Dynamique populaire constituante

Abstentionnistes, votes blancs et nuls, une nouvelle force propulsive politique ?
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Par Jacques Nikonoff

19 septembre 2020

Le lancement de la Dynamique populaire constituante, le 10 août dernier, suscite déjà de nombreux débats. Nous réagissons ici sur quelques premiers sujets.

La Dynamique populaire constituante a-t-elle pour objectif de rédiger une nouvelle Constitution ?

Notre collectif n’a pas cette ambition. C’est au peuple de débattre et de se donner les moyens de mettre au jour les points clés d’une nouvelle Constitution. C’est ensuite le rôle d’une assemblée constituante de la rédiger dans les règles de l’art. C’est enfin au peuple de l’approuver par référendum. Le rôle d’une Dynamique populaire constituante, tel que nous l’imaginons, consiste à proposer des analyses portant sur les failles de la Constitution actuelle et de son interprétation par les pouvoirs publics. Son rôle est également de proposer des mesures constitutionnelles visant à restaurer le pouvoir souverain du peuple (et à empêcher qu’il soit usurpé). Ces propositions sont versées au débat public. Il est également de mobiliser le peuple dans cette perspective. Le processus constituant ne commence pas au moment de l’élection d’une assemblée constituante, mais en amont par le débat qui politise le peuple.

Une Dynamique populaire constituante devrait se concentrer sur les questions qui lui paraissent les plus stratégiques du point de vue de ce qu’il convient de mettre dans la Constitution afin d’assurer la souveraineté effective du peuple. Le débat public, sous peine de se diluer, aurait tort de partir dans tous les sens, sans établir une sorte de hiérarchie des sujets à traiter à partir de l’objectif central : rétablir la souveraineté du peuple. C’est à l’élaboration de cette liste que veut participer la Dynamique populaire constituante.

Demander au peuple de rédiger la totalité de la Constitution nécessiterait probablement plusieurs années...
Image par Ag Ku de Pixabay

Bien sûr, nous aimerions que le peuple rédige la nouvelles Constitution de A jusqu à Z. Mais nous ne voyons pas comment faire sur le plan pratique.

D’abord, à un moment ou à un autre, il sera nécessaire d’organiser un système de représentation. Les presque 70 millions de Français, même avec les outils électroniques modernes, ne peuvent se réunir tous pour débattre. Voilà pourquoi une assemblée constituante paraît indispensable.

Ensuite, demander au peuple de rédiger la totalité de la Constitution nécessiterait probablement plusieurs années pour mettre tout le monde à niveau sur les questions constitutionnelles, débattre et trancher. Si l’on veut restaurer la souveraineté du peuple, il y a urgence, on ne peut pas se permettre une telle dépense de temps et d’énergie.

La stratégie en trois volets, proposée par la Dynamique populaire constituante, est-elle la seule susceptible de parvenir à mettre en place une assemblée constituante ?

Non. La vie réserve toujours des surprises et il existe traditionnellement des écarts entre les projets et la réalité. Personne ne détient la vérité en la matière. De notre côté, il s’agit de choix élaborés selon des analyses et des raisonnements, débouchant sur une volonté se manifestant dans l’action. D’autres choix, plus ou moins différents, sont proposés par des personnalités et organisations. Tous devraient se parler pour tenter d’agir ensemble, sans hégémonie de quiconque, en respectant l’originalité de chaque composante.

Rappelons, en ce qui nous concerne, les trois volets de la stratégie de la Dynamique populaire constituante :

1.- Mise en place de « comités locaux constituants » pour créer un mouvement citoyen

Ils relèveraient de l’initiative exclusive de citoyens, notamment de Gilets jaunes qui, en s’auto-organisant, définiraient eux-mêmes leurs buts, sachant qu’il paraît cohérent d’agir à la fois pour :

  • Susciter des initiatives locales qui transforment sans attendre la société et les relations entre les citoyens.
  • Participer aux luttes sociales à l’échelle nationale sur des revendications comme l’emploi, l’environnement, les salaires, les libertés…
  • Associer le plus grand nombre possible de citoyens aux débats publics sur ce que pourrait et devrait être une nouvelle Constitution sur les points clés permettant de restaurer et de préserver la souveraineté du peuple.
  • Fédérer les comités locaux constituants à l’échelle départementale pour créer des « assemblées départementales constituantes » qui feront la synthèse des débats locaux.
  • Fédérer les « assemblées départementales constituantes » au sein d’une « assemblée nationale constituante » qui ferait la synthèse de la synthèse et proposerait une nouvelle Constitution.
  • Organiser une campagne de boycott de l’élection présidentielle de 2022 et présenter des candidats « constituants » aux élections législatives qui suivront.

2.- Boycott de l’élection présidentielle de 2022 (ou appel au vote blanc ou nul)

Le principe de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct est en contradiction absolue avec toute prétention de vouloir restaurer le pouvoir du peuple. Par construction, ce mode d’élection a pour but d’usurper le pouvoir du peuple. Il vise à l’infantiliser et à le placer sous la domination d’un individu qui aura tendance, selon son tempérament, à se présenter comme gourou, guide suprême, grand chef à plumes… Ce système est incompatible avec la souveraineté du peuple puisque le véritable souverain est alors le Président de la République. Le boycott de cette élection (l’abstention), ou le vote blanc ou nul oit jeter le discrédit sur cette élection. C’est le moyen de réduire la légitimité du Président de la République qui sera élu de toute manière (Monsieur Macron).

Dès lors, des conditions beaucoup plus favorables s’offriront à ceux qui veulent changer de régime politique. S’il existe davantage d’abstentions et de votes blancs et nuls que de votes pour le candidat élu au second tour, c’est le peuple qui sera légitime. Pas le Président de la République, même si ce dernier sera élu légalement.

3.- Présentation de candidats « constituants » aux élections législatives

L’affaiblissement de l’institution présidentielle ouvrira une brèche pour conquérir une majorité de députés « constituants » à l’Assemblée nationale, car cette fois-ci il n’y aura pas la dynamique créée par l’élection du Président. Issus des comités locaux constituants, ces députés constituants devraient avoir logiquement pour mandat de :

  • Voter rapidement les lois qui permettront de réaliser les droits humains naturels (droit au travail, aux soins de santé, à un environnement sain, au logement, à l’éducation…).
  • Replacer l’économie sous le contrôle de la politique.
  • Transformer l’Assemblée nationale en assemblée également constituante.
  • Organiser le débat public pour une nouvelle Constitution, dans le prolongement des débats suscités lors de la Dynamique populaire constituante.
  • Rédiger le projet de Constitution et le soumettre à référendum.

L’Assemblée nationale reste en France le véritable lieu du pouvoir politique, à condition, bien évidemment, que les députés exercent ce pouvoir, ce qui n’est plus le cas depuis plusieurs décennies. La prise du pouvoir peut donc se réaliser pacifiquement, par l’obtention d’une majorité de députés constituants dans le sens où nous utilisons cette expression.

Quel serait le rôle d’une assemblée constituante dans la Dynamique populaire constituante ?

Dans notre schéma, il devrait y avoir deux assemblées constituantes successives : une première qui serait d’initiative populaire, et une seconde d’initiative institutionnelle, mais reflet de la précédente.

La première assemblée constituante serait d’initiative populaire comme aboutissement du maillage du territoire national par des milliers de comités locaux constituants. Ces comités se seraient fédérés à l’échelle départementale pour faire la synthèse des propositions constitutionnelles issues du débat public. À son tour, cette première assemblée nationale constituante serait la fédération des assemblées départementales constituantes. Elle ferait la synthèse de la synthèse des propositions constitutionnelles.

En cas d’absence de majorité de députés constituants aux élections législatives, cette assemblée nationale constituante populaire poursuivrait son action. Si, à l’élection présidentielle, le total des abstentions et des votes blancs et nuls est supérieur au nombre de voix obtenues par le Président élu, c’est cette assemblée qui sera légitime sans être légale, alors que le Président de la République sera légal sans être légitime. La situation politique s’ouvrira alors. L’assemblée nationale constituante pourra jouer, de plus en plus, un rôle de double pouvoir.

Si, au contraire, le Président élu obtient davantage de voix que le total des abstentions et des votes blancs et nuls, l’assemblée nationale constituante populaire n’aura pas la légitimité souhaitable. Elle devra poursuivre son action pour l’obtenir.

Si une majorité de députés constituants est élue, ils pourront transformer l’Assemblée nationale en assemblée constituante, cette assemblée jouant les deux rôles. Cette fois-ci, l’Assemblée constituante serait « officielle », à la fois légale et légitime. Cette Assemblée nationale constituante, issue de l’initiative institutionnelle, serait conforme au mandat des députés constituants donné par le peuple, et chargée de rédiger la nouvelle Constitution. Elle formaliserait, dans les règles de l’art, les propositions issues de la Dynamique populaire constituante. Elle serait composée majoritairement de députés constituants, éliminant le risque de l’usurpation du pouvoir constituant par des représentants des classes dominantes.

Une fois rédigée, le projet de nouvelle Constitution serait soumis au débat public, par exemple pendant trois mois. Le but serait de vérifier qu’il existe bien, dans la société, un certain consensus sur le projet. Ce débat servirait à effectuer les ajustements nécessaires. La dernière étape sera évidemment la tenue d’un référendum pour ratifier la nouvelle Constitution.

Que prévoit la Constitution actuelle ?

Elle ne traite que de la procédure de révision de la Constitution en son titre XVI (« De la révision »). Selon l’orientation du débat public, il ne s’agira probablement pas de simplement réviser la Constitution actuelle, mais d’élaborer une nouvelle Constitution. Dès lors, le cadre de la Constitution actuelle ne convient pas. Il n’est pas évident que notre proposition précédente, qui consiste à ce que les députés décident de transformer la l’Assemblée nationale également en assemblée constituante, soit compatible avec la Constitution actuelle.

Car il faudra prendre le pouvoir d'abord, pour ensuite changer de Constitution…
Image par Wokandapix de Pixabay

Il faudra débattre du sujet, essayer, mais si cela ne fonctionne pas, il est possible d’utiliser la méthode suivie par le général de Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) lors de l’organisation du référendum du 21 octobre 1945 (voir plus bas). Ce référendum avait demandé aux Français s’ils voulaient que l’Assemblée nationale à élire soit également constituante. C’est presque exactement ce que nous proposons : la tenue d’un référendum quelques semaines après les élections législatives si les députés « constituants » sont majoritaires. La question serait, comme en 1945 : « Voulez-vous que l’Assemblée nationale, élue le…, soit constituante ? ».

Si le référendum est victorieux, l’Assemblée nationale devient aussi constituante. Une commission, élue en son sein, serait chargée de rédiger le projet de Constitution sur la base des propositions issues du mandat des députés constituants. Le point critique, dans ce schéma, concerne l’article 89 de la Constitution actuelle qui impose que le projet de Constitution soumis au référendum soit préalablement voté par le Sénat et l’Assemblée nationale. Cette dernière, composée majoritairement de députés constituants, devrait voter le projet puisqu’il résultera de la Dynamique populaire constituante. Mais le Sénat ? Si le Sénat vote contre le projet de Constitution, l’article 45 de la Constitution actuelle donnera de toute manière le dernier mot à l’Assemblée nationale. Le référendum devrait donc se tenir sur une Constitution issue directement du débat public.

Quel mode de désignation pour l’assemblée constituante « officielle » ?

L’histoire, notamment en France, montre combien le mode de désignation et par conséquent la composition d’une assemblée constituante va déterminer le contenu d’une Constitution. Il est frappant de constater combien, lors des processus successifs d’élaboration des Constitutions qu’a connu notre pays, le peuple a toujours été écarté. Nous mettons un terme à cette funeste « tradition » par deux moyens : la mobilisation du peuple dans le cadre de la Dynamique populaire constituante et l’élection de députés constituants ; la transformation, par référendum, de l’Assemblée nationale, qui reste législative, mais qui devient aussi Assemblée constituante.

Rappelons ici quelques étapes des processus constituants pour les cinq dernières Républiques, qui éclairent nos propositions et qui montre que le peuple a toujours été écarté de la conception.

• Première République : 21 septembre 1792. L’Assemblée nationale, fondée par les députés des états généraux le 17 juin 1789, devient l’Assemblée nationale constituante le 9 juillet 1789. Ils votent la première Constitution le 3 septembre 1791, en préservant la monarchie : « La Constitution française est représentative. Les représentants de la nation sont le Corps législatif et le roi » (article 2). La Constitution de l’An I est ensuite élaborée par le Comité de salut public et votée le 24 juin 1793 par la Convention. Le texte est soumis au référendum, le premier de l’histoire de France. Cette Constitution, avec celle de 1945 qui n’a pas été appliquée car rejetée par référendum, est probablement la plus démocratique qu’ait connu la France (suffrage universel, même s’il n’est pour l’instant que masculin, pouvoir important des assemblées locales dans l’édiction des lois, déclaration des droits de l’homme et du citoyen complétant et se substituant à celle de 1789…).

• Deuxième République : 24 février 1848. L’Assemblée nationale issue des élections législatives du 23 avril 1948 est également assemblée nationale constituante. Elle crée en son sein une « commission de Constitution » qui propose un projet adopté par l’Assemblée nationale constituante le 4 novembre 1848. C’est la discussion sur la Déclaration des Droits qui va déchainer les passions, essentiellement le droit au travail. En référence à l’article 21 de la Constitution jacobine de 1793, les républicains et les socialistes veulent que la Constitution intègre ces principes. Adolphe Thiers s’y oppose au motif qu’il serait dangereux de promettre que l’on pourra toujours offrir du travail. Il considère que cela démobilisera l’effort d’épargne des salariés. De son côté, Tocqueville y voit l’introduction du communisme en France, cette « nouvelle forme de servitude ».

• Troisième République : 4 septembre 1870. L’Assemblée nationale élue le 8 février 1871 à la demande de la Prusse après la défaite française de Sedan, se proclame constituante le 31 août 1871. Elle instaure finalement la IIIe République le 30 janvier 1875 non par une nouvelle Constitution mais par trois lois constitutionnelles qui en tiendront lieu.

• Quatrième République : 27 octobre 1946. L’organe de direction politique de la Résistance, le Comité français de la Libération nationale (CFLN), se déclare Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) le 2 juin 1944. Le 21 octobre 1945, il organise un référendum et des élections législatives auxquels les femmes et les militaires ont accès pour la première fois.

Le référendum comporte deux questions :

  • « Voulez-vous que l’Assemblée Nationale, élue ce jour, soit Constituante ? ».
  • « Si le corps électoral a répondu oui à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu’à la mise en vigueur de la nouvelle Constitution, organisés conformément au projet ci-contre ? » (durée restreinte à sept mois, le projet constitutionnel qu’elle élabore sera soumis au référendum, elle ne peut renverser le Gouvernement que par une motion de censure votée par la majorité absolue de ses membres…).

Le OUI l’emporte avec 96 % des voix à la première question et 66 % à la seconde. L’Assemblée élue sera donc à la fois législative et constituante. L’Assemblée nationale constituante élabore alors un projet de Constitution qui est soumis à référendum le 5 mai 1946, rejeté à 53 % par les Français. De nouvelles élections législatives (l’assemblée élue sera également, comme en 1945, une assemblée législative et constituante) sont organisées le 2 juin 1946, la Constitution de la IVe République est définitivement adoptée par référendum le 13 octobre 1946 et entre en vigueur le 27 octobre.

• Cinquième République : 4 octobre 1958. Les conditions dans lesquelles ce qui est appelé la Constitution de la Ve République est advenue sont l’objet de controverses parmi les historiens, constitutionnalistes et spécialistes de science politique[1]. Elles portent sur le rôle attribué aux réseaux gaullistes et à l’extrême droite qui auraient profité, voire alimenté l’insurrection des ultras d’Algérie débutant le 13 mai 1958. Une partie des militaires organisent en effet l’opération « Résurrection », obtenant la sécession de la Corse (24 mai) et préparant un débarquement de parachutistes sur Paris la nuit du 27 mai 1958. C’est la menace d’une guerre civile, l’armée et la police se révèlent peu loyales. Le 28 mai le Président du Conseil Pierre Pflimlin démissionne. Le 29 mai le Président de la République René Coty propose Charles de Gaulle comme Président du Conseil. Ce dernier accepte.

Le 1er juin, l’Assemblée nationale accorde l’investiture au Gouvernement de Gaulle qui sera le dernier Président du conseil de la IVe République. Le 2 juin il reçoit les pleins-pouvoirs dans le cadre d’une loi qu’il avait demandée lui permettant de préparer une loi constitutionnelle pour réviser la Constitution (celle de 1946). L’avant-projet sera soumis à l’avis d’un « comité consultatif constitutionnel », puis soumis au peuple par référendum. Ce comité est composé de proches du général de Gaulle qui suit au jour le jour l’avancée des travaux et les corrige. Le référendum se tient le 28 septembre 1958, le OUI l’emporte avec 79,3 %.

Au total, notre projet de référendum pour transformer l’Assemblée nationale en Assemblée constituante nous paraît solide. Il s’appuie sur des précédents historiques dont nous corrigeons les failles démocratiques. Le peuple est impliqué dès le départ dans le processus constituant, et il l’est aussi à l’arrivée avec le référendum. Certes, l’Assemblée nationale, devenue constituante, écrit la Constitution. Mais elle ne fait que tenir la plume, car le contenu, sur les questions stratégiques, a déjà été élaboré par le peuple dans le cadre de la Dynamique populaire constituante. Les députés constituants, commis du peuple, devront respecter leur mandat.

Avec notre proposition, nous évitons de perdre du temps et nous empêchons toutes les manœuvres des forces conservatrices qui pourraient tenter d’utiliser la création d’une Assemblée constituante pour y placer leurs pions afin d’inverser le résultat des élections législatives. Transformer l’Assemblée nationale en Assemblée constituante est bien plus démocratique que tout autre formule, puisque le contenu de la Constitution devra normalement correspondre au projet de la majorité élue. En l’espèce, la souveraineté du peuple est respectée.

Nous n’avons pas retenu le tirage au sort pour désigner cette Assemblée constituante. Dans le contexte politique créé par une victoire aux élections législatives de députés constituants, le tirage au sort des membres de l’Assemblée constituante serait une remise en cause de la souveraineté du peuple. Ce dernier, après avoir participé à la Dynamique populaire constituante, s’étant rassemblé sur quelques propositions stratégiques devant guider la rédaction de la future Constitution, ayant en outre placé des députés constituants en majorité à l’Assemblée nationale, se ferait voler sa victoire. En revanche, comme nous le verrons dans d’autres documents, un tirage au sort partiel est souhaitable et nécessaire dans d’autres circonstances.

Une assemblée constituante peut-elle voir le jour au sein du régime politique actuel ?

Il est possible de répondre par oui et par non.

Oui, la majorité actuelle, techniquement, pourrait parfaitement changer la Constitution. C’est ce qu’a fait le général de Gaulle en 1958 qui avait reçu pour mandat de « réviser » la Constitution en vigueur à l’époque (celle de 1946), et qui en définitive a rédigé une nouvelle Constitution. Du moins la chose est présentée de cette manière. Techniquement, donc, il est possible de réviser même très profondément la Constitution actuelle, soit par le Congrès, soit par référendum.

Non, la majorité actuelle, politiquement cette fois-ci, n’a aucun intérêt à changer de Constitution. La question n’est pas technique, elle est politique. Le pouvoir peut réviser la Constitution sur tel ou tel point, par le Congrès, pour éviter le risque d’un échec au référendum, mais pas la réviser en profondeur, et certainement pas dans le but de restaurer le pouvoir souverain du peuple. Ou alors, si le contexte politique lui est favorable, une révision en profondeur de la Constitution servirait à éliminer encore un peu plus ce qu’il reste de souveraineté populaire.

Voilà pourquoi les slogans du type « imposer une constituante », « nous demandons une constituante » (à Macron ?), « nous voulons une constituante », etc. sont parfaitement vains. Caractérisés par leur abstraction et leur manque de sens pratique, ils ne proposent aucune perspective crédible et compréhensible pour aller vers une nouvelle Constitution. Ils sont même désespérants par leur impuissance et expliquent la stagnation du débat et des initiatives autour d’un changement de Constitution. L’irruption récente de groupes de Gilets jaunes dans ce débat suscite l’espoir. À condition qu’un véritable travail de fond soit mené à la fois sur les contenus constitutionnels qui permettront au peuple d’exercer réellement sa souveraineté et de la conserver, et sur la stratégie qui permettra d’atteindre ces objectifs.

Car il faudra prendre le pouvoir d’abord, pour ensuite changer de Constitution…

  1. Christophe Chabrot, « Ceci n’est pas une Ve République », Revue française de droit constitutionnel, n° 82, 2010.

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