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Un référendum à questions multiples sur les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat ?

Un référendum à questions multiples sur les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat ?
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La Convention Citoyenne pour le Climat, constituée par une assemblée de 150 citoyens français tirés au sort, a été commissionnée par Emmanuel Macron en avril 2019. Une initiative politique qui pour une fois engageait une demande de changement émanant du peuple visant à « définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale ». Le 26 juin, 149 propositions thématiques naissaient de cette initiative dont une sur le changement de la Constitution.

Toutefois, seules, 146 propositions ont été retenues par Mr Macron

Il a écarté trois propositions appelées officiellement les “Trois jokers :

  • la taxe de 4 % sur les dividendes (soit-disant pour ne pas risquer de freiner les investissements);
  • la réduction de la vitesse sur autoroute à 110 km/h (débat reporté);
  • la réécriture du préambule de la Constitution (la protection de l’environnement ne peut se placer au-dessus des libertés publiques).

Il y a donc la théorie et la pratique de l’adoption et de la mise en œuvre de ces propositions qui commence de manière surprenante, puisque Mr Macron se réserve le droit suprême pour décider de retirer 3 propositions. Si cette initiative citoyenne était bienvenue, la suite revêt un caractère anti-démocratique. Le choix de la manière dont le peuple veut lutter contre le réchauffement climatique doit revenir au peuple quoi qu’en pense Mr Macron. C’est là une règle fondamentale d’un système démocratique sain. On pourrait même ajouter que l’avis de Mr Macron ne devrait pas nous intéresser puisqu’il est en théorie un représentant du peuple et non un élu disposant d’un pouvoir suprême. Le peuple doit avoir le droit de choisir le monde à venir dans lequel il veut vivre.

Image par Ajay kumar Singh de Pixabay

Cette initiative est intéressante à analyser et à mettre en perspective avec l’initiative que nous lançons face à ces obstacles anti-démocratiques, la Dynamique Populaire Constituante (DPC). En premier, l’appel au référendum pour adopter ou non ces propositions, s’il a lieu (le temps étant en soi une stratégie politique), reflètera davantage une manœuvre politique en vue de la présidentielle de 2022 plutôt que d’un débat d’idées pour une vrai refonte de notre société. Ceci est un vrai fléau au sein de notre système politique, surtout quand un changement clair doit être entrepris sur nos modes de vies en société. En second lieu, pour ne prendre qu’un exemple sur la Constitution qui nous intéresse ici et qui est au cœur de notre réflexion, sa révision raisonne comme un leurre car la vraie question est celle des droits opposables. Autrement dit, tout droit figurant dans la Constitution doit être complété par les moyens de le réaliser. Il faut prévoir des contraintes pour que l’Etat mette en oeuvre ces droits. C’est tout l’enjeu de la DPC. Décortiquons brièvement ces propositions et les vrais enjeux politico-pratiques sous-jacents au mépris de la volonté du peuple.

La solution réellement démocratique est un référendum à questions multiples sur les 149 propositions, classant chacune d’elle en termes de réduction de l’empreinte carbone pour laisser la place à un choix informé du peuple.

Les dessous d’une manœuvre politique

Derrière cette initiative citoyenne qui sur le principe semblait juste et innovante, ces résultats ne vont répondre hélas qu’à une manœuvre politique visant à faire un peu de bruit et à gesticuler quelque peu sur le réchauffement climatique et la destruction de l’environnement afin de faire traîner les choses dans la perspective des élections présidentielles de 2022. Le deuxième tour des municipales de 2020 a d’ailleurs montré que c’était un sujet clé pour les habitants de beaucoup de grandes villes qui ont voté Europe Ecologie les Verts (EELV), parfois Macron-compatibles. Une cible à atteindre pour le chef de l’Etat.

A la suite des propositions faites par la Convention Citoyenne pour le Climat, le chef de l’Etat a aujourd’hui trois options pour convoquer un référendum. Un choix politique clé pour Mr Macron en vue des présidentielles de 2022.

La première option est de convoquer un référendum global sur la totalité des propositions

Cette première hypothèse s’avère impossible car ce paquet du tout ou rien serait probablement boycotté par les citoyens qui pourraient rationnellement y trouver certaines mesures contestables et d’autres non. Comment choisir dans ces conditions ? Une manipulation serait dès lors ressentie par la population. Par conséquent, Mr Macron perdrait des points de popularité. Politiquement, Mr Macron a besoin d’un référendum, mais un référendum doit se gagner pour ne pas entacher une carrière politique qui vise la présidence de 2022. Cette première option ne sera donc pas envisagée par le pouvoir exécutif en place.

La deuxième option, un référendum avec des questions multiples

Seule les 146 propositions sont listées et les individus devront s’exprimer par OUI ou par NON sur chacune d’elle. Que les citoyens votent OUI ou NON, peu importe finalement pour M. Macron, l’important c’est que ce référendum se tienne. Ici il n’y ni gagnant ni perdant, les gens s’expriment c’est tout. Mr Macron en sort tout de même gagnant par l’organisation même du référendum et en ayant mis unilatéralement de côté les propositions qui ne lui conviennent pas. Il pourrait toutefois perdre sur certaines questions où il se serait exprimé ce qui constitue l’unique risque. Néanmoins, de manière générale, politiquement c’est gagné. Le problème restera dans l’engagement financier du gouvernement face aux propositions retenues comme par exemple la rénovation thermique des immeubles qui demande de grands investissements.

La troisième et dernière option est de convoquer un référendum plus réduit sur lequel la Commission a concentré quelques aspects plus consensuels et qui coûteraient peu à l’État

Toutefois, Mr Macron serait perdant sur le plan politique si ce nombre réduit de propositions ne passe pas. Un autre perdant serait également la réduction des émissions de gaz à effet de serre avec le choix de mesures moins ambitieuses environnementalement car moins coûteuses.

La deuxième option, celle du référendum à choix multiples, est donc la plus plausible dans une stratégie politique bien ficelée, même si Mr Macron risque un décrochage vis-à-vis de ces mentors car il devra tenir ces engagements financiers.

Réviser la Constitution constitue-t-il un vrai changement ? 

Les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat suggèrent de réviser la Constitution pour qu’elle fasse référence à la lutte contre le changement climatique dans son préambule ainsi que dans son article 1er « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».

Si la Charte de l’environnement de 2004 a déjà été ajoutée au préambule de Constitution française, ceci n’est finalement que de l’encre sur du papier quand on s’y approche de plus près. La question essentielle est celle de la nature exacte des obligations de l’État. Cette question se pose déjà face au droit à l’emploi par exemple qui n’est aujourd’hui pas respecté et n’entraîne aucune sanction ou responsabilité vis-à-vis de l’Etat. Dans ce contexte, le débat ne devrait pas se situer au niveau de l’intégration de la lutte contre le changement climatique et de la préservation de l’environnement comme patrimoine commun de l’humanité – qui nous paraît par ailleurs essentiel – mais celui d’avoir une constitution qui crée des droits opposables.

Les études d’impacts sont d’ailleurs difficilement accessibles car la visibilité n’est pas mise en avant sur le site de l’Assemblée nationale pas plus qu’au sein du Comité économique, social et environnemental. Les études d’impacts devraient être une aide à la décision afin de l’éclairer avant qu’elle soit prise. De plus, les études d’impacts devraient être continues et entreprises également plus tard, en incluant les différents corps d’inspection, afin de faire un suivi de la mise en œuvre de la loi.

Aux États-Unis, ce type de procédures existe déjà à travers les « livres blancs ». Le parlement dispose d’un organe de contrôle considérable. Il effectue des auditions avec des moyens à leur disposition qui ont un impact politique colossal. En France tout est concentré et le Parlement ne dispose pas de ces moyens.

Ces quelques pistes de réflexion quant à l’actualité s’inscrivent dans le mouvement de la Dynamique Populaire Constituante qui évoque dans le livre blanc 1.0 la question du rehaussement du rôle du Parlement pour légitimer et démocratiser nos institutions ainsi que la vie politique. Les débats politiques sont malheureusement aujourd’hui particulièrement centrés autour de personnalités politiques souvent mégalos utilisant grotesquement  le « je » à outrance. Le débat sur les personnes autour des présidentiables pollue le débat d’idées et masque les réformes nécessaires du système dans lequel nous devons faire le choix d’évoluer ensemble.

Quel choix démocratique doit-on faire avancer ?

Pour le référendum: le gouvernement doit organiser un référendum à questions multiples avec les 149 propositions, incluant les trois “jokers”, dans les plus bref délais. Les citoyens devront s’exprimer par OUI ou par NON sur chacune d’elle et prioriser les actions de l’Etat.

Avant le référendum : le gouvernement et les différents acteurs doivent dresser une liste des facteurs d’émissions de gaz à effet de serre pour chaque proposition qui sera classée par ordre d’importance. Ensuite, face à chaque source d’émissions, reclasser les propositions avec leur coût. Il manque en effet un chiffrage précis des propositions. Seul ce dernier peut éclairer la décision des citoyens.

Que pouvez-vous faire dès maintenant ? Demander la tenue d’un référendum sur les 149 propositions de la Convention (ceci pourra aussi être  proposé par groupe de propositions).

Image by Pete Linforth from Pixabay


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