Pourquoi choisir la date du 10 août pour lancer une Dynamique populaire constituante ? Si le 14 juillet 1789 marque une date majeure de l’histoire de France consacrée dans la mémoire collective comme fête nationale, la date du 10 août 1792 représente le grand moment de la réappropriation populaire de la Révolution à l’origine du renversement de la monarchie constitutionnelle au profit de la première République en France. Si la première révolution de 1789 est l’œuvre des représentants de la nation sous la pression des Jacqueries, cette « Seconde Révolution » est proprement l’œuvre d’une dynamique populaire constituante organisée politiquement dans le cadre des sections parisiennes démocratiques : elle est l’œuvre des « sans-culottes », « ceux qui ne sont rien » de la fin du XVIIIe siècle. De la même manière, le mouvement des Gilets jaunes est une dynamique populaire constituante de fait héritière à bien des égards du mouvement populaire de 1792 dirigé contre un pouvoir marqué par le despotisme et la défense des privilégiés. A l’écran de fumée du Grand débat national s’est opposé la clarté démocratique du Vrai débat, qui ressort des poubelles les Cahiers de doléance moderne contre le veto de Jupiter, renouant avec les principes de la souveraineté populaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Revenons sur les faits pour saisir l’importance du 10 août à notre époque : la première Constitution française de 1791, votée par les députés de l’Assemblée nationale constituante, est une Constitution monarchique qui s’accommode du pouvoir royal largement réduit dans ses prérogatives au profit de la représentation nationale. Mais si le monarque n’est plus absolu, il reste pourtant le délégué de la souveraineté nationale aux côtés du corps législatif élu : le roi dispose d’un veto suspensif qui lui donne une portion du pouvoir législatif. Or très vite, s’il a pourtant prêté serment de fidélité à la nation dans la Constitution (sect. I, art. 4), le roi prend fait et cause pour la contre-Révolution, comme il l’avait déjà manifesté le 20 juin 1791 en tentant de rejoindre un bastion royaliste à la frontière. Dès lors, quel crédit accorder au veto suspensif, qui a pourtant une valeur constitutionnelle ?
Par le décret du 9 novembre 1792, l’Assemblée nationale somme les émigrés de rentrer en France, faute de quoi ils seront considérés comme suspects de conspiration et leurs biens séquestrés au profit de la nation. Par le décret du 29 novembre 1792, elle exige le serment civique des prêtres réfractaires faute d’être déclarés suspects. Or le roi use de son veto pour ces deux décrets, tout en validant celui qui l’invitait à lancer un ultimatum aux princes allemands. Le 20 avril 1792, la guerre est votée sous l’impulsion des Brissotins contre l’avis des Montagnards : démarche classique de diversion belliciste souhaitée par un pouvoir en difficulté qui réanime les espoirs de contre-révolution. Pourtant l’opposition légale du roi à la volonté nationale aura raison de la monarchie constitutionnelle. A nouveau, Louis XVI s’oppose aux décrets du 27 mai 1792 sur les prêtres réfractaires et à celui du 8 juin 1792 qui autorise la formation d’une force révolutionnaire de 20 000 hommes à Paris :
« Le veto est un boulet, peut-on lire dans le journal de Prudhomme, c’est l’esclavage du peuple. Le veto, c’est tel est mon bon plaisir. Il faut autre chose que la volonté du roi pour éclipser la raison universelle. Si la constitution donne au roi le veto, la Déclaration des droits donne au peuple le droit à l’insurrection pour cause d’oppression. »
C’est dans ces circonstances qu’une véritable dynamique populaire à nouveau constituante se met en place : c’est l’avènement des sans-culottes, très au fait des pratiques démocratiques concrètes dans le cadre des sections parisiennes, ces assemblées héritières de la démocratie communale médiévale. Le 20 juin 1792, le peuple en armes des faubourgs avait envahit l’Assemblée et les Tuileries au cris de « A bas Monsieur veto ! ». Le 14 juillet 1792, les sections parisiennes aidées par les municipalités provinciales appellent à l’aide la « Fédération générale de toutes les gardes nationales du royaume » contre l’ennemi intérieur et extérieur. Le 1e août 1792, les forces contre-révolutionnaires répondent par le Manifeste du duc de Brunswick qui menace Paris d’une « vengeance exemplaire et à jamais mémorable », laquelle pourtant, loin d’intimider la dynamique populaire, la renforcera : 47 sections sur les 48 de Paris déposent à l’Assemblée une pétition en faveur de la déchéance de la monarchie. Mais face à l’irrésolution de l’Assemblée, le peuple passe à l’action, réalisant son droit de résistance à l’oppression (art. 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
Dans la nuit du 9 au 10 août 1792, une Commune insurrectionnelle se substitue à la Commune légale, consacrant le contrôle du peuple sur la représentation nationale dans l’esprit du mandat impératif pratiqué lors des États-généraux. Face à la dynamique populaire, l’Assemblée obtempère et suspend le roi, otage de la nation avec sa famille. Le ministère est remplacé par un Conseil exécutif provisoire nommé par l’Assemblée jusqu’à la réunion de la Convention le 20 septembre 1792. Acquis de la Révolution du 10 août, la nouvelle assemblée constituante est élue au suffrage universel, au mépris de la distinction oligarchique entre citoyen passif et citoyen actif, qui cachait un suffrage censitaire. La Révolution française entre alors dans sa phase la plus démocratique et républicaine avant le coup d’arrêt du 9 Thermidor an II (29 juillet 1794).
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Retour de ping : Questions et réponses à propos de la Dynamique populaire constituante — UNE DYNAMIQUE POPULAIRE CONSTITUANTE
Nous serions tentés de dire comme vous, mais ce qui nous gêne est que beaucoup de monde, organisations et personnes physiques, utilisent également ce slogan sans aucun contenu. Nous préférons parler des contenus et à commencer par le principal : la restauration de la souveraineté du peuple. Nous dirions alors plutôt « vive le peuple souverain ! ».
Merci de votre commentaire.
Vive la sixième République !