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LES VERTUS DU BOYCOTT ELECTORAL – Les boycotts électoraux en Amérique

LBC 09 - LES VERTUS DU BOYCOTT ELECTORAL
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IV.- LES BOYCOTTS ELECTORAUX EN AMÉRIQUE

On évoquera San Salvador (1962), Trinidad et Tobago (1971), le Venezuela (2005), le Mexique (2006 et 2009), Haïti (2010).

San Salvador, élection présidentielle, 30 avril 1962

En 1950, une nouvelle constitution est adoptée au San Salvador, le Parti révolutionnaire d’unification nationale (PRUD) est créé. Entre 1950 et 1960, les deux présidents militaires issus du PRUD qui se succèdent mènent une politique d’inspiration sociale-démocrate en créant une sécurité sociale, en industrialisant le pays et en construisant de grandes infrastructures routières et des barrages hydrauliques.

Le PRUD a les moyens de mener cette politique grâce aux prix élevés du café durant la décennie et à la nouvelle culture du coton. Lorsque le prix du café commence à baisser, le gouvernement du PRUD est fragilisé. L’opposition au PRUD rassemble des organisations étudiantes et des syndicats. Le gouvernement les qualifie de « communistes ». La gauche monte en puissance et, pour la première fois depuis 1932, un puissant parti communiste apparaît. La répression s’accroît.

Le PRUD est finalement renversé en 1960. En octobre, un coup d’État militaire est organisé par des officiers favorables à la révolution cubaine et qui s’opposent à l’évolution du régime. En janvier 1961, ils sont à leur tour renversés par d’autres militaires appuyés par les États-Unis qui créent une dictature.

La nouvelle Constitution promulguée en 1962 autorise le nouveau parti dominant, le Parti de la conciliation nationale (PCN), d’interdire le Parti communiste salvadorien et les autres mouvements de gauche. Le Salvador adhère alors à l’Alliance for Progress, un programme des USA d’aide au développement pour les pays d’Amérique latine qui luttent contre l’influence de Fidel Castro.

Ce programme permet de financer de grands projets d’infrastructures (routes, aéroport international, port, hôpital, etc.). Dans le même temps, et toujours avec l’appui des USA, des groupes paramilitaires dirigés par l’Organisation démocratique nationaliste (ORDEN – ordre en espagnol) sont créés pour lutter contre les mouvements de gauche.

Lors de l’élection présidentielle du 30 avril 1962, Julio Adalberto Rivera Carballo, du PNC, est le seul candidat, tous les autres ont refusé la mascarade et appelé au boycott. Il est élu sans opposition avec 368 801 voix, sur une population de plusieurs millions d’habitants. L’opposition a refusé de participer à l’élection au motif que l’élection législative de 1961 avait connu de nombreuses fraudes qui avaient permis au parti du président de gagner tous les sièges. En 1968, une modification de la loi électorale permettra à l’opposition d’accéder à l’Assemblée législative. C’est un résultat direct du boycott.

Trinidad et Tobago, élections législatives, 24 mai 1971

Ces élections législatives ont été organisées à la suite de la dissolution du Parlement six mois avant le terme normal de la législature.

Le principal parti d’opposition, le Parti travailliste démocratique (ACDC-DLP), dirigé par Vernon Jamada, décide alors de boycotter les élections pour protester contre le refus des réformes électorales qu’il demande : abaissement de la majorité électorale à 18 ans, meilleure tenue des registres électoraux et remplacement des machines à voter par des urnes. Sur 449 775 électeurs inscrits, les suffrages valablement exprimés ne sont que 118 519. Par la suite, grâce au boycott, les conditions de déroulement des élections s’amélioreront.

Venezuela, élections législatives, 4 décembre 2005

Les scrutins tenus en 2004 (référendum et élections régionales) avaient démontré l’accroissement du soutien populaire au « processus révolutionnaire » incarné par le président de la République Hugo Chavez, et déclenché une nouvelle vague de revendications du mouvement populaire. Un débat national s’est alors ouvert sur la construction du « socialisme du XXIe siècle », dans lequel la gauche révolutionnaire défendait l’appropriation sociale des moyens de production et la neutralisation de l’appareil d’État, entre autres.

Avec les élections législatives du 4 décembre 2005, l’enjeu pour Hugo Chavez était de refermer la parenthèse ouverte en 2001, qui avait vu 25 députés élus dans sa majorité rejoindre les rangs de l’opposition, réduisant considérablement la majorité « bolivarienne » à l’Assemblée nationale (86 contre 79).

Or la Constitution bolivarienne de 1999 prévoit que les lois organiques sont votées par deux tiers des législateurs et par trois cinquièmes lorsqu’il s’agit des lois habilitant le président à légiférer par décret. L’enjeu de ce scrutin était donc de remettre en conformité la représentation parlementaire avec les aspirations du mouvement populaire et d’obtenir deux tiers au moins des sièges. Pour y parvenir, les partis de la coalition majoritaire : Movimiento de la Quinta República (Mouvement de la cinquième république – MVR), Patria Para Todos (La Patrie pour tous – PPT), Por la Democracia Social (Pour la démocratie sociale – Podemos) et Partido Comunista de Venezuela (Parti communiste du Venezuela – PCV) ont formé une alliance qui couvrait l’ensemble du territoire. Côté opposition, pour masquer une défaite prévisible, certains ont appelé au boycott.

En effet, cinq partis d’opposition, dont le plus important, Action démocratique (social-démocrate), le COPEI (démocrates-chrétiens), Primero Justicia (néolibéral), Proyecto Venezuela (Projet Venezuela), Un Nuevo Tiempo (Un Temps Nouveau) ont décidé de retirer leurs candidats pour protester contre les machines de vote électronique suspectées de trahir la confidentialité des électeurs et la composition du Conseil national électoral, jugé proche du pouvoir.

Ces machines ont pourtant été jugées par les observateurs internationaux comme étant bien plus fiables que la plupart de celles utilisées dans l’élection présidentielle de 2004 aux États-Unis. L’Organisation des États américains (OEA) a déployé une cinquantaine d’observateurs pour surveiller le déroulement du scrutin, ainsi que 160 observateurs de l’Union européenne.

Le taux d’abstention a été de 75 %. Le maintien au pouvoir de la coalition soutenant Hugo Chavez est devenu très fragile comme l’ont montré les années suivantes marquées par de nombreux rebondissements.

Mexique, élection présidentielle, 2 juillet 2006

En 1988, Carlos Salinas de Gortari devient président du Mexique. Il accélère la politique néolibérale et, en 1992, en termine avec la réforme agraire en privatisant les terres collectives. Il prépare l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA). Alors que l’ALENA entre en vigueur le 1er janvier 1994, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale se soulève et occupe plusieurs villes du Chiapas.

Par la Première Déclaration de la Forêt Lacandone, elle déclare la guerre au gouvernement mexicain et demande liberté, justice et démocratie pour toutes et tous. Ernest Zedillo devient président en 1994 et poursuit la politique néolibérale, plongeant le Mexique dans une grave crise financière. En février 1995, sous couvert d’un dialogue avec les Zapatistes, il lance une attaque contre l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.

En 2000, pour la première fois depuis 70 ans, un candidat non issu du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) devient président, Vincente Fox Quesada. Mais si le parti au pouvoir change, la politique, elle, reste la même. Fox prétend résoudre le « problème chiapanèque » en « 15 minutes ».

Les Zapatistes déclenchent la Marche de la Couleur de la Terre se terminant par la prise de parole des commandants qui revendiquent l’application des accords de San Andrès (ils sont signés le 16 février 1996 et concernent les droits et la culture autochtones, leur reconnaissance légale et le droit à l’autodétermination ; ils demeurent non-respectés à ce jour).

En vue des futures élections de 2006, les Zapatistes publient la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone et lancent « l’Autre Campagne » à travers tout le pays, invitant les Mexicains à boycotter les élections et, par là-même, à élargir la lutte zapatiste.

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Enrique Peña Nieto est élu président du Mexique avec 38 % des voix, mais le taux de participation n’est que de 59 %. Son élection marque le retour du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), la force politique qui a gouverné le pays d’une main de fer pendant 71 ans jusqu’en 2012. Sa campagne et son élection ont été entachées de scandales et d’irrégularités. Le boycott a nettement conforté les opposants au système.

Mexique, élections législatives, 5 juillet 2009

Une double protestation s’est développé à l’occasion de ces élections : le boycott et le vote blanc. Tout est parti de blogueurs, relayés ensuite par quelques responsables politiques et intellectuels, qui accusent les dirigeants d’avoir pillé le pays. Ils ne méritent donc pas le vote des citoyens. Le mouvement « voto en blanco » proteste contre la corruption des trois principaux partis politiques. Il y a eu 1,8 million de votes blancs et nuls, soit 5,39 %. Ce fut trop peu pour avoir un effet direct important, mais ce bon score a permis de souder des forces qui ne se pensaient pas si nombreuses.

Haïti, élection présidentielle, 28 novembre 2010

Le 28 novembre 2010, alors qu’ils sont en pleine crise sanitaire et que plus d’un million d’entre eux vivent toujours sous des tentes dans des conditions inhumaines, les Haïtiens votent pour un nouveau président. L’exclusion illégale du parti le plus populaire du pays, Fanmi Lavalas (FL), est jugée inacceptable et antidémocratique par de nombreux citoyens. C’est le parti de Jean-Bertrand Aristide, l’ancien président d’Haïti chassé par un coup d’État orchestré par les États-Unis, la France et le Canada en 2004.

Le Conseil électoral provisoire (CEP), chargé d’organiser les élections, a exclu le parti de Jean-Bertrand Aristide des élections de 2009 et de celles de 2010. Pour valider l’enregistrement de FL aux prochaines élections, le CEP a exigé un mandat authentifié par le chef de Lavalas en exil en Afrique du Sud.

Pour ce faire, il devait se rendre à un consulat haïtien. Premier problème : il n’y a pas de consulat haïtien en Afrique du Sud ! Deuxième problème : Aristide aurait pu se rendre à n’importe quel consulat haïtien ou même en Haïti pour enregistrer son parti, mais il n’a pas le passeport diplomatique garanti aux anciens présidents par la Constitution. Les autorités haïtiennes refusent, sans raison valable, de lui procurer les documents requis pour qu’il puisse voyager.

Fanmi Lavalas est le parti le plus populaire chez les défavorisés, et donc chez la majorité des Haïtiens. Il a remporté toutes les élections auxquelles il a participé avec des majorités écrasantes.

Par ailleurs, lors du séisme de janvier 2010, un grand nombre de personnes ont perdu leur carte électorale, un document nécessaire pour exercer son droit de vote. Des Centres d’opération et de vérification (COV) ont été mis en place où les citoyens doivent se rendre pour se procurer un document attestant qu’ils ont perdu leur carte électorale.

Une fois cette attestation en main, ils peuvent passer à l’un des bureaux de l’Office national d’identification (ONI) qui leur remettra leur carte électorale. Cependant, le gouvernement n’a pas correctement informé la population de l’existence des COV. De nombreux citoyens ont tenté à maintes reprises de se procurer une carte électorale sans succès.

Devant les bureaux de l’ONI, les files sont interminables. Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là. L’ONI a accumulé depuis 2005 des milliers de cartes électorales qui n’étaient toujours pas distribuées, et la liste d’électeurs admissibles contenait toujours les noms de personnes décédées lors du séisme. Pour voter, un électeur doit uniquement présenter sa carte électorale, aucune pièce d’identité, ce qui facilite la fraude. Aussi, un électeur déplacé inscrit à son ancienne adresse et qui a déjà effectué un changement d’adresse auprès des autorités peut voter à deux endroits, en utilisant son ancienne et sa nouvelle adresse.

Le 16 novembre 2010, l’ONI avait encore 344 000 cartes électorales à distribuer et 25 % d’entre elles n’étaient pas disponibles. Autre défaillance du système, alors que la liste l’ONI fait état de 4 565 000 électeurs potentiels, celle du CEP en compte 71 039 de plus, des électeurs « fantômes » pouvant changer l’issue du vote.

Malgré toutes ces failles et l’urgence sanitaire, le gouvernement haïtien, l’ONU et l’Organisation des États Américains (OEA) ont appelé au maintien des élections. En raison de son exclusion, Fanmi Lavalas a appelé au boycott. Le taux de participation n’a été que de 22,87 %, loin des 60 % de participation de 1990.

Le boycott a empêché de donner la moindre légitimité au nouveau gouvernement.


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