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Comprendront-ils jamais ?

Comprendront-ils jamais ?
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Delenda est Quinta Respublica

          Comprendront-ils jamais qu’un individu, aussi exceptionnel soit-il, ne peut être le représentant politique  de  40 000 000 de ses concitoyens ?

Vouloir à la fois que le représentant de l’Etat reste armé d’une vaste puissance et soit élu, c’est exprimer selon moi deux volontés contradictoires.                                                     

          Tocqueville – De la démocratie en Amérique  (I, 130)

         Depuis 1958, la France a été affublée d’une constitution qui facilite, grâce à un coup d’Etat permanent, l’appropriation par un individu des pouvoirs législatif et exécutif. Cette contradiction a pu subsister car elle a été installée par l’homme providentiel derrière le prestige duquel la bourgeoisie nationale se retranche pour maintenir une constitution antidémocratique. Il a fallu des décennies pour que les citoyens ouvrent un oeil et manifestent leur opposition, en se réfugiant dans l’abstention aux législatives. Mais comment sortir de la mélasse constitutionnelle ?

        La question se pose ; car le taux de participation aux élections présidentielles montre que , si les citoyens ont bien réalisé que cette élection est au centre des institutions, ils ne veulent pas voir qu’élire un individu ayant le pouvoir de se débarrasser d’une assemblée qui ne fait pas ses quatre volontés, ouvre la porte du despotisme. A la décharge du peuple, il faut remarquer que médias ou hommes politiques se gardent de mettre l’accent sur cette tare antidémocratique.

ARTICLE 12 – Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.

    S’il est prévu que le Président doive demander l’avis de quelques autres, il n’est pas obligé d’en tenir compte.

            Mitterrand, l’inventeur de l’expression coup d’État permanent, ne s’y est pas trompé : au lendemain de son élection en mai 81, il a demandé l’avis de ses conseillers qui ont tous rejeté l’idée de dissoudre l’Assemblée par peur d’un retour de bâton. Il n’en a pas tenu compte et la nouvelle Assemblée fut à majorité absolue de Gauche.  En revanche 5 ans après, il fut confronté à la cohabitation avec l’Assemblée élue en 1986. Deux ans après en 1988, même configuration : Mitterrand élu, dissout l’Assemblée de 1986 et obtient une nouvelle Assemblée à majorité absolue de Gauche qui, 5 ans après en 1993, cède la place à une Assemblée de Droite conduisant à une cohabitation. 

          Chirac, élu en 1995 , n’ayant pas compris le rôle de la simultanéité de la présidentielle et des législatives, a dissout, en 1997, l’Assemblée de 1993 qui lui était favorable au prétexte que tous prévoyaient que des législatives à la date prévue en 1998 risquaient d’être défavorables. Profond manque de jugement qui ouvre sur une cohabitation avec Jospin. Et les deux larrons, bien avertis par cette expérience, se mettent d’accord pour conjuguer obligatoirement présidentielle et législatives. Ils évitent au Président nouvellement élu de dissoudre l’Assemblée en place, tout en gardant la possibilité de le faire à sa guise, car l’article 12 est toujours là.

         Ce rappel historique est bien connu du monde politique et cependant personne ne s’y réfère, même ceux qui appellent à une VIème République. J’ai sous les yeux le petit livret Pour une assemblée constituante (édition 2022), fort bien fait par la France Insoumise. Il commence par Nous vivons dans une monarchie présidentielle …  Mais pas une explication sur les entourloupes : article 12 , élection du Président au suffrage universel et  lois organiques régissant les élections. On préfère parler programmes à venir, alors que leur exposé non seulement ne sort pas les citoyens de leur aveuglement, mais encore laisse croire que les institutions sont démocratiques.

            La situation pose dilemme : ou se présenter aux élections avec pour seul programme le changement de constitution ou jouer le jeu politique dans un système qu’on sait antidémocratique. Depuis 60 ans, la seconde option a prévalu et nous en sommes à Macron et ses godillots. Quand on pense qu’ils ont créé un ministre délégué chargé du renouveau démocratique tout en acceptant d’être les élus du système présent. De vrais démocrates ! Quand on pense à tous les commentaires sur les débats dans une Assemblée Nationale dont la composition n’a rien à voir avec celle des divisions politiques de la nation. Grâce au 49/3 on peut imposer une loi repoussée par le peuple, mais que dire de l’article 12 , utilisé à maintes reprises, pour dissoudre une Assemblée législative hostile. Etc.

           Mais comment critiquer l’artisan de cet ouvrage? Tel est le coeur du dilemme. Pourtant c’est bien de Gaulle qui, porté au pouvoir en 1958 par le coup d’État de l’armée d’Algérie, est responsable de la  mélasse constitutionnelle. C’est lui qui en 1962 a dissout l’Assemblée pour imposer l’élection du Président au suffrage universel car, expose-t-il, elle fait réellement du Président … un guide  de la France. Ce mot est insupportable à qui pense à sa traduction en italien ou en allemand. Nous n’en sommes pas tout à fait arrivés là. Mais nous n’avons pas moins eu une kyrielle de domestiques des multinationales. Petits despotes, qui se sont glorifiés de leur admiration pour l’homme du 18 juin 1940 à fin de mieux faire avaler les pilules de celui de 1958.

        L’auréole gaulliste de la Vème République est sans doute le point idéologique le plus difficile à surmonter pour revenir à la démocratie. Espérons que les jeunes générations y seront de moins en moins sensibles. Encore faudrait-il leur rappeler sans discontinuer le vers de Victor Hugo

Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte

PS – Voilà que Macron vient d’avoir l’audace  de déclarer :
              « On peut débattre de tout » mais « ça doit respecter la Constitution ».

Ce qu’il y a de certain c’est que la Constitution ne lui permet pas de débattre des lois. Elles sont du seul ressort du Gouvernement ou du Parlement.

ARTICLE 39. L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

C’est clair.  Or Macron, s’immisce sans cesse dans les lois à débattre. Le Président de la République ne respecte pas la constitution. Qui va le sanctionner ?

Par Fontaine André
André Fontaine, diplômé de l’École Polytechnique, a été militant de la CFDT et du PSU où il a exercé des responsabilités nationales. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages.
Ses écrits s’attachent à dénoncer l’imposture des politiques, leur cécité sur la réalité sociale engendrée par les forces productrices, leur allégeance à des idées reçues dépassées, leur idolâtrie économiste et leur manque d’humanisme
Les socialismes, l’Histoire sans fin , Spartacus 1992
Mai 68 dans l’Histoire , L’Harmattan 2010
Le chemin de Mai 68 , L’Harmattan 2018 
L’économie est l’opium du peuple,L’Harmattan 2021


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