I.- LES BOYCOTTS ELECTORAUX EN EUROPE
En Europe, cinq opérations de boycott semblent avoir été recensées, quatre sont ici présentées : la Grande-Bretagne (1959), le Portugal (1961), la France (1969), l’Irlande du Nord (1973).
En Europe, cinq opérations de boycott semblent avoir été recensées, quatre sont ici présentées : la Grande-Bretagne (1959), le Portugal (1961), la France (1969), l’Irlande du Nord (1973).
Grande-Bretagne, élections législatives, 8 octobre 1959
La campagne du « veto des électeurs » a été lancée par différents groupes de gauche pour refuser de voter en faveur des candidats n’exprimant pas clairement leur intention de voter au Parlement pour un désarmement nucléaire unilatéral de la Grande-Bretagne. Le résultat n’a pas été très convaincant puisque le nombre de suffrages exprimés a été de 27,8 millions, alors qu’il avait été plus faible aux élections de 1955 (26,7 millions) sans le boycott. Néanmoins, cette campagne a eu un fort effet d’alerte sur l’opinion publique.
Portugal, élections législatives, novembre 1961
Le 12 novembre 1961, en pleine dictature de Salazar, l’opposition légale au Portugal (le Parti communiste portugais était clandestin) retire ses candidats à l’élection législative et appelle les citoyens à ne pas voter. Il s’agissait de ne pas cautionner ces élections qui se présentaient sous une apparente honnêteté. Mais quelle peut être l’honnêteté électorale dans une dictature ? Certes, le boycott n’a rien changé à l’exercice du pouvoir par la dictature de Salazar, mais son existence même a été un acte politique courageux renforçant la confiance des opposants et du peuple dans leurs propres forces.
France, élection présidentielle, 1er et 15 juin 1969
Le 28 avril 1969, un communiqué laconique était publié depuis Colombey-les-deux-Eglises : « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi ». Charles de Gaulle, fondateur et premier président de la Ve République, désavoué la veille par 52,41 % des électeurs français à l’occasion du référendum constitutionnel du 27 avril 1969 « relatif à la création des régions et à la rénovation du Sénat », quitte ses fonctions comme il l’avait promis en cas de victoire du NON.
Conformément à la Constitution française, c’est Alain Poher, président du Sénat, qui succède à Charles de Gaulle en tant que président de la République par intérim. Une élection présidentielle anticipée devait donc avoir lieu les 1er et 15 juin 1969. Le PCF avait proposé à la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière, ancien nom du Parti socialiste) une candidature unique de la gauche avec un programme commun. Mais les socialistes refusent et choisissent leur propre candidat dans une certaine confusion (Gaston Defferre). Guy Mollet, le dirigeant socialiste, quant à lui, se rallie au centre. Le PCF présenta donc un candidat qui était Jacques Duclos.
Au premier tour, le 1er juin 1969, les résultats sont les suivants :
- Pompidou (gaulliste) : 44,47 %
- Poher (centriste) : 23,31 %
- Duclos (communiste) : 21,27 %
- Defferre (socialiste) : 5,01 %
- Rocard (socialiste) : 3,61 %
- Krivine (trotskiste) : 1,06 %
Dès le lendemain du premier tour, refusant de choisir entre les deux candidats qualifiés pour le second tour, le PCF décide de mener une campagne inédite et jamais rééditée depuis : il appelait directement à l’abstention. Pour les communistes, impossible de choisir entre Pompidou et Poher, puisqu’ils étaient « les candidats de la bourgeoisie ».
Le communiqué du PCF précisait : « Appelant à voter blanc, le risque était grand de n’être ni entendu ni compris. […] Au contraire, seule l’abstention est claire, politique et politiquement claire et ne se prête à aucune équivoque. Elle consiste, le 15 juin, à ne pas aller voter. L’abstention à laquelle appelle le Parti communiste français est un acte hautement civique ».
Le PCF renvoyait ainsi dos à dos Pompidou et Poher : « la bourgeoisie présente deux candidats… qui sont des cousins germains, si ce n’est des frères siamois ». Avec son célèbre slogan, le « Bonnet blanc, blanc bonnet », la campagne du Parti communiste pour le second tour de la présidentielle de 1969 a marqué les esprits. Jamais encore un parti politique n’avait en France appelé à s’abstenir lors d’une élection. Une affiche du PCF indiquait : « s’abstenir c’est agir contre la réaction ».
L’abstention passera de 22,4 % (6,6 millions) au premier tour, à 31,1 % (9,2 millions) au second tour… Toutefois, le total des abstentions, des blancs et nuls ne s’élèvera qu’à 10,5 millions. C’est davantage que ce qu’a obtenu Poher (7,9 millions), mais moins que Pompidou (11 millions). L’idéal aurait été que la somme des abstentions, des blancs et des nuls dépasse la somme des voix obtenues par Pompidou et Poher réunis (11+7,9 = 18,9). Là le système aurait été mis gravement en difficulté.
Irlande du Nord, référendum, 8 mars 1973
La République d’Irlande est une nation indépendante dont la capitale est Dublin. Elle partage l’ile d’Irlande avec l’Irlande du Nord, dont la capitale est Belfast, membre du Royaume-Uni. L’Irlande du Nord a connu un très long et très violent conflit où se mêlaient les questions religieuses, sociales, culturelles et nationales.
Il y avait d’un côté les minoritaires nationalistes, presque tous catholiques, revendiquant l’égalité des droits et l’union avec la République d’Irlande. Ils étaient opposés aux majoritaires unionistes, presque tous protestants, descendant des colons installés au XVIIe siècle, partisans du statu quo. Les troubles publics de la fin des années 1960 se sont transformés en une campagne militaire contre l’État britannique en Irlande du Nord.
Le référendum du 8 mars 1973 visait à abolir la frontière entre le Nord et le Sud de l’ile. Il était boycotté par les républicains et les nationalistes (Sinn Fein). Son résultat fut le suivant : 41 % d’abstention, 99 % de votes exprimés pour le maintien de l’autorité britannique. La preuve était établie de la forte solidarité des républicains et des nationalistes qui n’étaient pas allés voter.