« Peuple, on te trahit, reprend l’exercice de ta souveraineté[1] ».
Maximilien de Robespierre
La série télévisée Baron Noir, lancée en 2016 avec des comédiens particulièrement talentueux, décrit de façon très réaliste les mœurs politiques contemporaines de notre pays. On y voit des gens – candidats et supporteurs- obsédés par l’élection présidentielle, qui ne vivent que pour cela. Les conséquences de cette addiction, hormis la confirmation qu’il faut renoncer le plus vite possible à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, sont doubles.
Ces personnages, d’abord, ne sont que dans les postures et les « coups ». Le court terme et les effets de manche. L’émotion calculée et la surface des choses. Dans cette série, comme dans la réalité, ils ne parlent jamais des problèmes à résoudre : la dégradation de l’environnement, le chômage de masse, l’insuffisance du niveau des salaires, la pauvreté grandissante chez les jeunes… Ils ne parlent que d’eux, toujours à la première personne : « je veux… », « j’ai décidé… », etc. Aucun effort n’est entrepris pour rédiger des programmes susceptibles de résoudre les problèmes de la France et des Français. Le seul problème de ces politiciens est celui de leur élection ou de leur réélection à la présidence de la République et à tous les autres postes.
Les personnages politiques de cette série, ensuite, comme dans la « vraie vie », ignorent le peuple qui semble ne pas exister
On voit bien quelques militants, de base ou cadres intermédiaires, mais ils sont présentés sous des atours généralement peu flatteurs : fascinés par leur chef comme un chien peut l’être par son maître, intéressés en espérant obtenir quelques avantages de leurs activités militantes, parfois corrompus, souvent manipulateurs, fourbes et prêts à se vendre au plus offrant, ou carrément naïfs et instrumentalisés par leurs chefs…
Le dévouement au peuple, l’action désintéressée pour la défense de ses intérêts ne font pas partie des motifs de l’engagement politique de ces personnages. Baron Noir met ainsi le doigt – volontairement ou non – sur la question principale qui se pose à la France : celle de la place du peuple dans la société et dans les décisions politiques.
Sur le papier, les choses sont pourtant à peu près claires. L’article 3 de la Constitution stipule que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Dans la réalité, on se rend compte que la Constitution a permis que ce principe fondamental de l’organisation des pouvoirs soit annulé. Il y a désormais bien longtemps que la souveraineté nationale n’appartient plus au peuple.
Les « représentants » (les députés), au-delà de leurs appartenances politiques, ont généralement une conception faussée de leurs responsabilités. Une fois élus par le peuple, ils invitent ce dernier à retourner dans ses foyers. Ils se substituent à lui et usurpent sa souveraineté comme le coup d’État parlementaire du 4 février 2008 en témoigne (voir le chapitre VII).
Quant au référendum, autre possibilité d’expression de la souveraineté du peuple, le dernier s’est tenu le 29 mai 2005 avec une large victoire très encourageante des partisans du NON au traité constitutionnel européen. Depuis, l’oligarchie politique a mis la souveraineté du peuple en sommeil. Le référendum, semble-t-il, ne fait plus partie des outils démocratiques de la République, sauf, peut-être, pour amuser la galerie.
Ces seules raisons – il y en a bien d’autres – suffisent à comprendre qu’il y a urgence à rebâtir une nouvelle Constitution.
Tout a été organisé pour désarmer, démobiliser, démoraliser, diluer, désarticuler, invisibiliser le peuple pourtant souverain
Les organisateurs de cette tentative de génocide politique, inversant les responsabilités, n’hésitent d’ailleurs pas à accuser le peuple d’indifférence électorale en dénonçant l’abstention désormais abyssale et la « montée des populismes ». Le peuple, néanmoins, malgré les efforts de la classe dominante et de l’oligarchie politique à son service, n’a pas disparu. Il se rappelle, de temps à autre, à leur bon souvenir par des grèves et manifestations diverses. Certes, pour l’instant, elles n’ont pas été victorieuses. Mais la résistance existe, elle est large, puissante et donnera des fruits. Il manque néanmoins un débouché politique que la dynamique populaire constituante peut offrir.
Le peuple a montré, lors de la catastrophe sanitaire de 2020, que c’est sur ses épaules que reposait réellement le fonctionnement de la société. Il a fait preuve de courage, de générosité, d’abnégation, de sens de l’intérêt général. Les valeurs se sont alors inversées, ceux qui étaient présentés comme les « premiers de cordée », dont on attendait que les bienfaits « ruissellent » sur nous, ont été aux abonnés absents. Ils étaient, comme l’on dit en temps de guerre, des « planqués ». Ce sont les « premiers de corvée » qui ont été les héros de la période. Pour retourner ensuite au néant dès que la situation sanitaire s’est améliorée.
C’est le 17 novembre 2018 qu’un processus politique jusqu’alors inconnu et plein de promesses est né avec les Gilets jaunes
Tous les efforts de la classe dominante et de l’oligarchie politique à son service pour éliminer le peuple se sont trouvés ainsi ruinés. Le peuple, au-delà de sa fraction mobilisée par les syndicats, bougeait encore ! La description sociologique du phénomène des Gilets jaunes a fait l’objet d’innombrables études. C’est désormais la signification politique profonde de ce mouvement qu’il convient d’appréhender correctement.
Les Gilets jaunes sont les sans-culottes d’aujourd’hui. C’est sur eux que repose la victoire de la Dynamique populaire constituante qu’ils ont, de fait, lancée. Car toutes leurs revendications « quantitatives » (salaires, impôts et taxes, emploi…) et « qualitatives » (reconnaissance, dignité…) convergent en une exigence de démocratie excellemment résumée par la demande de mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), qui leur est évidemment refusée par le Gouvernement. C’est la restauration de la souveraineté du peuple qui est exigée. Les Gilets jaunes sont le peuple. Ils ont vocation à prendre le pouvoir, en alliance avec d’autres forces populaires, et à diriger le pays.
En 1789, déjà, la souveraineté du peuple était au cœur de la Révolution. Cette dernière n’opposait pas seulement les partisans de la souveraineté du roi à celle du peuple. Elle opposait également différents courants républicains qui n’avaient pas la même conception du rôle du peuple. Pour les Montagnards et Robespierre, la République conçue comme une démocratie devait reposer sur la souveraineté populaire. C’est contre cette souveraineté populaire en actes, pour l’empêcher, que les thermidoriens[2] établissent la République directoriale en 1795 (le Directoire), avant de laisser à Bonaparte le soin de boucler le processus de dépossession du peuple souverain qu’ils avaient initié[3].
Beaucoup de groupes de Gilets jaunes ont compris que le cœur du sujet était celui du régime politique et de la Constitution sur laquelle il repose. Ils se qualifient eux-mêmes désormais de « constituants ». La dynamique est lancée, elle deviendra une vague qui emportera tout sur son passage.
Le moment présent est celui de la convergence de toutes ces initiatives
Le succès sera au rendez-vous si les Gilets jaunes restent fidèles à leur pratique initiale de rejet de toute forme d’encadrement par le haut, tant par des « chefs » autoproclamés que par des groupes et structures divers. L’avenir est aux « comités locaux constituants », unités de base de la nouvelle Révolution en cours.
Pour nous aider à trouver le bon chemin, l’expérience de 1789, comme l’analyse brillamment l’universitaire Yannick Bosc est précieuse. « La notion de Constitution est centrale pendant la Révolution française. Celle-ci est un vaste moment constituant, au cours duquel s’affrontent différentes manières de concevoir une société. Robespierre est le principal porte-parole d’une République à la fois démocratique et sociale qui est mise en œuvre par le Gouvernement révolutionnaire[4] ». C’est à travers les luttes qu’il mène que le mouvement populaire se constitue alors en peuple, au sens politique du terme. C’est exactement le processus qui est en cours au sein des Gilets jaunes.
À notre époque, la Constitution est réduite à un texte juridique qui organise les pouvoirs de l’État. Cette réduction de la Constitution à ses seuls aspects de technique juridique sert de prétexte à la dépossession du peuple. Ainsi, lorsqu’il s’agit de réviser la Constitution, tout passe par le Congrès, les parlementaires usurpant la souveraineté populaire. Robespierre, pendant la Révolution, insiste pour montrer que l’essentiel n’est pas « dans l’articulation technique des différents pouvoirs mais dans les principes qui permettent de les articuler, et avant cela de les établir et de les légitimer. Ces principes, inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, forment la norme sur laquelle la société est constituée et cette norme repose sur le fait que le peuple est le souverain. Pour le côté gauche, le travail législatif consiste à l’appliquer, la loi devant toujours s’inscrire dans l’horizon du droit naturel déclaré[5] ». Nous tenons là l’essentiel. À la Déclaration des droits de 1789, il faut aujourd’hui ajouter le Préambule de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004.
Telles sont les bases sur lesquelles doit reposer la société, traduites dans la nouvelle Constitution.
L’enjeu est celui de la transformation de ces droits-papiers en droit réels
Quand le Préambule de 1946 parle de « droit d’obtenir un emploi » (article 5), il faut le prendre au pied de la lettre et inclure dans la nouvelle Constitution les principes généraux qui feront obligation à l’État de traduire ce droit en actes.
Comme l’écrit l’historien Alphonse Aulard cité par Yannick Bosc, « la Révolution française consiste dans la Déclaration des droits rédigée en 1789 et complétée en 1793, et dans les tentatives faites pour réaliser cette déclaration ; la contre-révolution, ce sont les tentatives faites pour détourner les Français de se conduire d’après les principes de la Déclaration des droits, c’est-à-dire d’après la raison éclairée par l’Histoire[6] ». La situation est aujourd’hui la même. La nouvelle Révolution à mener est celle de la mise en œuvre concrète des droits énumérés dans ces trois documents, 1789, 1946 et 2004. Tous ces droits doivent désormais devenir « opposables ». L’enjeu consiste à débattre, dans les comités locaux constituants à créer partout sur le territoire, sur la manière de faire et d’entraîner la population.
La Révolution française montre que le processus constituant n’est pas un problème de technique juridique réservé à des experts, le peuple étant simplement convoqué à la fin du processus pour voter. Le processus constituant est lui-même la Révolution française. C’est la Révolution. Il « fabrique » le peuple et le peuple le fabrique dans une relation dialectique. Le peuple n’est ni une foule, ni un « troupeau », ni une « multitude » comme disent certains aujourd’hui.
Ce peuple qui se construit a conscience de former un peuple politique, c’est-à-dire d’être le souverain
Dans son discours du 10 mai 1789, Robespierre souligne que « le premier objet de toute constitution doit être de défendre la liberté publique et individuelle contre le gouvernement lui-même ». Il s’agit de faire en sorte que « le gouvernement ne puisse jamais violer les droits des citoyens[7] ». Tel est bien l’objet de la nouvelle Constitution à rédiger puisque l’actuelle, celle de 1958, vingt-quatre fois modifiée, s’est avérée incapable d’empêcher l’usurpation du pouvoir souverain du peuple. Néanmoins, nous pouvons nous poser la question : une constitution, même démocratique, peut-elle suffire à elle seule à empêcher l’usurpation du pouvoir souverain du peuple ? Ne faut-il pas aussi que ce dernier se mobilise très fortement ?
La dynamique populaire constituante initiée de fait par les Gilets jaunes est un processus constituant du même type que celui qui démarre en 1789. C’est le début d’une lutte fondamentale – frontale – pour la régénérescence de la société française, par le rétablissement de la souveraineté nationale et populaire et la démocratisation de l’État. Tous les citoyens sont invités à mobiliser leur propre force, au-delà des Gilets jaunes, pour changer le régime politique. C’est l’unique moyen qui rendra possible le progrès social, le développement des services publics, et la transition écologique.
La dynamique populaire constituante vise la prise du pouvoir
Elle aura préalablement défini, par la délibération publique, les quelques questions stratégiques qui doivent être introduites dans la nouvelle Constitution. Le fil directeur en sera la reconstruction de la démocratie pour assurer le pouvoir effectif du peuple.
Par « dynamique », il faut entendre le développement d’un foisonnement d’initiatives de toutes sortes, issues de groupes ou d’individus variés, s’étendant progressivement à l’échelle de tout le territoire métropolitain et aux départements et régions français d’outre-mer (DROM).
Par « populaire », il faut entendre la participation croissante des citoyens, particulièrement des classes populaires, à ces initiatives, leur donnant un caractère de masse. C’est un enthousiasme, un bouillonnement, la joie retrouvée d’être ensemble.
Par « constituante », il faut entendre le processus de convergence, par le débat public, qui va s’opérer en fusionnant les différentes préoccupations, exigences, revendications qui monteront du plus profond de la société en une seule : la nécessité d’établir une assemblée nationale constituante d’initiative populaire qui proposera une nouvelle Constitution. Sans tutelle d’aucune sorte, l’heure est à créer partout des comités locaux constituants. Ces derniers pourront déboucher sur des assemblées constituantes départementales et sur l’Assemblée nationale constituante d’initiative populaire. Si elle représente des millions de citoyens, elle sera infiniment plus légitime que le pouvoir actuel. Elle ne sera pas encore légale, mais elle sera légitime, offrant alors d’immenses possibilités.
La dynamique populaire constituante consiste, dans l’action, à consolider et à faire franchir une étape décisive à ce qui a déjà été entrepris par les Gilets jaunes pour reconstruire le peuple comme corps politique autonome. La délibération publique sur les institutions démocratiques dont le peuple a besoin pour exercer son pouvoir, et les mesures à prendre pour résoudre les problèmes, a déjà commencé.
Cette dynamique populaire constituante devra nécessairement submerger les partis politiques actuels
Nous reconnaissons la nécessité de partis politiques ou d’organisations politiques – appelons cela comme l’on veut – pour représenter différentes conceptions de la société et en débattre démocratiquement. Cependant, force est de constater que tous les grands partis actuels sont englués, d’une manière ou d’une autre, dans un système qui détruit avec cynisme et persévérance le caractère démocratique et politique de notre société. Toutes les crises partielles dénoncées depuis des années (crise sociale, crise politique, crise de la démocratie, crise de l’euro, crise financière, crise de l’État-providence, crise de la représentation politique, crise de la citoyenneté…) ont une cause commune qui les surplombe toutes : l’élimination du caractère politique et démocratique de notre société par le couple formé du système présidentialiste et du système de l’Union européenne.
Tous les partis représentés au Parlement, de fait, sont membres du PUE (parti unique européiste). Bien sûr ce parti n’existe pas sur le plan formel, mais il est réel dans le sens où tout ces partis sont à la fois pour le système présidentialiste français et pour le système de l’Union européenne. On ne pourra donc pas compter sur eux dans le processus constituant qui débute, au contraire.
La réélection de M. Macron en 2022 était déjà quasiment acquise, et ceci pour au moins quatre raisons
D’abord, aucune alternative réelle au capitalisme néolibéral n’avait été portée par les grands partis politiques. Au-delà de différences et divergences réelles avec Monsieur Macron, tous partageaient les mêmes valeurs du mondialisme et de l’européisme néolibéral. Ces partis, pour faire croire qu’ils s’opposaient au locataire de l’Élysée, n’ont fait que de la figuration.
Ensuite, le système de vote à l’élection présidentielle favorise le candidat qui apparaît comme étant le « moins pire ». Ce mécanisme empêche un véritable débat politique sur le fond en favorisant les duels d’ego et une polarisation des votes en faveur du candidat qui apparaîtra comme ayant le plus de chance de gagner, chacun faisant son petit pronostic personnel alimenté par les sondages diffusés à jet continu. Ainsi la plupart des organisations politiques, syndicales, associatives, de gauche et de droite, ont appelé à voter Macron au second tour de la présidentielle pour « faire barrage » au candidat représentant la famille Le Pen, comme en 2017.
En troisième lieu, seuls des candidats représentant des blocs électoraux suffisamment puissants peuvent prétendre parvenir au second tour et éventuellement l’emporter. Il n’existe pour l’instant qu’un seul bloc de ce type : celui autour de Monsieur Macron. Les quatre autres familles politiques – gauche, droite, écologistes, FN/RN – sont dispersées et ne disposent généralement pas de candidat consensuel en leur sein, sauf le FN/RN.
Parallèlement, Monsieur Macron, qui n’a pas le temps de résoudre les problèmes de la France, était mobilisé à 100 % pour sa réélection. Il agissait en tenaille. D’un côté, il fragmentait consciencieusement l’électorat des différentes familles politiques en œuvrant à la candidature à la présidentielle de personnalités susceptibles de « ronger » ces électorats. C’est ainsi que les grands médias ont reçu la consigne de faire la propagande en faveur de ces candidats-rongeurs qui roulent pour Monsieur Macron, peut-être même sans le savoir : un militaire, un comique, un animateur télé…
D’un autre côté, Monsieur Macron a tout fait tout pour favoriser le représentant de la famille Le Pen
C’était, pour le candidat opposé a un Le Pen, quel qu’il soit, la garantie de la victoire. Telle est la quatrième raison pour laquelle Monsieur Macron a été réélu en 2022 : le FN/RN n’est pas rassembleur, il ne constitue pas un véritable bloc électoral et n’a aucune réserve de voix pour le second tour.
L’alternative ne viendra pas de la gauche ou de la droite, et encore moins du FN/RN ou des écologistes. L’avenir est aux abstentionnistes et à ceux qui votent blanc ou nul. Pas à tous les abstentionnistes ni à tous les votes blancs et nuls, mais à ceux qui, en agissant de la sorte, ont conscience de réaliser un acte politique de très haute signification. A eux de dépasser cet acte individuel pour construire la nouvelle force propulsive qui est nécessaire. C’était à eux d’impulser l’action pour délégitimer l’élection présidentielle de 2022, tout en relégitimant les élections législatives. Hélas, cette nouvelle force politique propulsive n’était pas encore en état de marche.
En tenant ces propos, nous avons conscience de heurter tous ceux qui considèrent le vote comme un devoir citoyen fondamental. Nous sommes d’accord avec cette appréciation. Toutefois, dans les conditions politiques actuelles, le suffrage universel est dénaturé par le système en vigueur de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. La majorité des citoyens ne peut plus voter selon ses convictions, et se trouve soumise à un chantage inacceptable. On nous enjoint de voter pour le candidat présenté comme le « moins pire », sous peine de connaître l’apocalypse.
Nous refusons ce chantage.
Nous refusons de choisir entre la peste et le choléra
Nous choisissons l’avenir, l’optimisme, par la reconstruction de la France au moyen d’une Dynamique populaire constituante. Grâce à l’abstention et au vote blanc ou nul à la présidentielle, au premier comme au second tour, sauf en cas de candidat constituant, nous accélérerons la décomposition du système qui s’effondrera sur lui-même. Nous privons le Président de la République, qui sera de toute façon élu, de sa légitimité. Nous le fragilisons. Cela constitue une brèche dans laquelle peut s’engouffrer le mouvement populaire.
L’acte politique que sont désormais l’abstention et le vote blanc ou nul, pour une majorité de ceux qui s’expriment ainsi – rappelons que la majorité du corps électoral s’abstient surtout au premier tour – traduit une lucidité politique bien plus forte que chez beaucoup de ceux qui continuent à voter. Ceux qui votent encore, de moins en moins nombreux, participent malheureusement à une simulation démocratique.
Le moment est donc propice pour tenter de prendre le pouvoir en 2027, par l’abstention, le vote blanc ou nul à l’élection présidentielle et la présentation de candidats « constituants » aux élections législatives, ou par un candidat constituant à la présidentielle. Malgré tout ce qui est dit à propos de la « monarchie présidentielle », le véritable pouvoir reste à l’Assemblée nationale. Nous l’avons bien vu lors des cohabitations, le pouvoir était au Premier ministre, pas au Président de la République.
Les candidats « constituants » aux législatives seraient désignés par les comités locaux constituants, en toute indépendance, sans parachutages
Ils seraient obligatoirement issus des territoires concernés. Une fois élus, leur mandat serait double : agir à l’Assemblée nationale pour voter des lois qui répondent aux revendications populaires, et mettre en place une assemblée constituante.
Cette dynamique populaire constituante, inévitablement, devra contourner et même submerger les grands partis politiques actuels. Nous n’attendons plus rien d’eux, sinon le pire, qu’ils soient de gauche ou de droite. On ne peut pas compter sur eux pour restaurer la démocratie dans notre pays, bien au contraire. En revanche, beaucoup de leurs électeurs et militants rejoindront la Dynamique populaire constituante, bien sûr en agissant pour l’abstention, le vote blanc ou nul à la présidentielle (ou pour soutenir un candidat constituant), et pour faire élire des candidats « constituants » aux législatives.
Finalement, on peut affirmer que c’est autour de la Déclaration des droits de 1789, du Préambule de 1946, et de la Charte de l’environnement de 2004, bien plus que sur le texte lui-même de la Constitution, que va se refonder la société
[1] La Décade philosophique, 20 messidor an III, n ° 44, t. 6. In Yannick Bosc, Le peuple souverain et la démocratie. Politique de Robespierre, Éditions Critiques, 2019.
[2] Les « robespierristes » son arrêtés puis exécutés les 9 et 10 thermidor an II (27 et 28 juillet 1794). Le terme thermidoriens désigne les députés qui sont à l’origine du 9 thermidor et plus largement ceux qui rejettent la politique du gouvernement révolutionnaire. In Yannick Bosc.
[3] Marc Belissa et Yannick Bosc, Le Directoire. La République sans la démocratie, Paris, La Fabrique, 2018.
[4] Yannick Bosc, ibid.
[5] Yannick Bosc, ibid.
[6] Alphonse Aulard, Histoire politique de la Révolution française, Paris, Armand Colin, 1901, réédition 1926. In Yannick Bosc.
[7] Yannick Bosc.