II.- Pour un RSA 18-25 ans
Fin 2020, 619 000 jeunes entre 18 et 24 ans étaient frappées par le chômage, soit + 16 % en un an. Pourtant, le gouvernement persiste à refuser d’accorder à ces jeunes la moindre prestation sociale comme le RSA ou les indemnités chômage qui leur permettraient de disposer d’un revenu minimum. D’autant que le gouvernement a supprimé, en 2019, l’aide à la recherche du premier emploi.
D’après Eurostat, le taux de chômage des jeunes a atteint 17,8 % dans l’Union européenne et 18,5 % dans les 19 pays de la zone euro fin 2020. Soit 3 points de plus en un an : Espagne 40 % ; Italie 30 % ; France 23,4 % ; Allemagne 6,1 %. Le chômage est donc plus élevé dans la zone euro qui était pourtant censée être un « bouclier anti-crise »…
En France, le taux de chômage des jeunes sortis depuis 1 à 4 ans de leur formation initiale (en 2019) est énorme pour ceux n’ayant aucun diplôme ou simplement le brevet des collèges (47,1 %). Les choses s’améliorent légèrement, si l’on peut dire, pour ceux qui ont le bac, le CAP ou équivalent (22 %). Quant à ceux qui ont bac + 2 ou plus (9,6 %), ils ont presque le même taux de chômage que le reste de la population.
Toutefois, la précarité des emplois occupés par les jeunes est colossale puisque la part des contrats à durée déterminée (CDD), selon la tranche d’âge en 2019, donnait des résultats effarants :
• 15-24 ans : 52,3 % pour les femmes ; 53 % pour les hommes.
• 25-29 ans : 23,4 % pour les femmes ; 20 % pour les hommes.
Pour Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee, « Les jeunes, qui sont aux marges du marché du travail, subissent plus que les autres les fluctuations conjoncturelles, c’est un peu sur le principe du dernier entré, premier sorti ». Dès le début de la crise sanitaire, les entreprises ont supprimé massivement les missions d’intérim, réduit ou choisi de ne pas renouveler les CDD, où les jeunes sont surreprésentés. La dimension sectorielle de la crise qui frappe le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, le monde du sport et de la culture, les pénalise également, puisqu’ils sont proportionnellement plus nombreux à travailler dans ces secteurs, ne serait-ce qu’au travers de petits jobs destinés à financer leurs études.
Fin juillet 2020, pour absorber le contingent annuel des 750 000 jeunes qui avaient terminé leurs études et voulaient entrer sur le « marché » du travail, le gouvernement a lancé le plan « un jeune, une solution ». « L’objectif de ce plan est de permettre à chaque jeune soit d’accéder à l’emploi, soit d’entrer en contrat d’apprentissage, soit d’accéder à une formation », affirmait Élisabeth Borne, la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. Ce plan était doté de plus de 7 milliards d’euros. En réalité, ce plan n’était, comme souvent, que limité à des mesures destinées aux employeurs : aides à l’embauche de 4 000€ pour des contrats à durée indéterminée (CDI) ou des CDD de plus de 3 mois, prime de 5 000€ ou 8 000€ pour les contrats d’apprentissage ou de professionnalisation, des bonus supplémentaires pour les embauches de jeunes issus des quartiers « politique de la ville »… Rien en matière de revenu, alors que c’est le revenu qui permet de survivre et qui crée l’emploi par la consommation qu’il induit, et non l’aide à l’entreprise. Un chômeur de moins, c’est un client de plus pour les entreprises. L’augmentation des revenus est d’autant plus nécessaire que l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimait à 180 000 les emplois qui seraient supprimés par les faillites à venir en 2021. Dans certaines industries, comme l’aéronautique, les recrutements sont quasiment arrêtés.
Un jeune sur 10 est pauvre
Cette précarité et ce chômage de masse expliquent pour l’essentiel l’incroyable pauvreté dont sont victimes une grande proportion des jeunes. D’un point de vue général, l’incapacité du gouvernement à gérer efficacement la crise sanitaire a fait exploser le nombre de bénéficiaires du RSA. Plus de 2 millions de foyers touchent désormais l’allocation : 2,1 millions fin octobre 2020, soit 8,5 % de plus qu’en 2019.
En France, entre 18 et 29 ans, plus d’un jeune sur 10 est aujourd’hui en situation de pauvreté, analyse Anne Brunner, directrice d’études à l’Observatoire des inégalités (ODI), co-auteure d’un rapport sur la pauvreté publié fin novembre 2020. Certains vivent encore chez leurs parents, mais ces derniers n’ont pas les moyens de subvenir à tous leurs besoins. D’autres ont pris leur autonomie, mais ne disposent pas des ressources suffisantes pour vivre décemment. Il s’agit essentiellement de jeunes peu diplômés, en recherche d’emploi.
La part des jeunes qui vivent sous le seuil de pauvreté a très fortement crû ces 15 dernières années, passant de 8 à 13 %. Cette catégorie de population est en effet la plus touchée par l’augmentation du chômage et du travail précaire.
Les 18-29 ans constituent la catégorie d’âge la plus touchée par la grande précarité. Selon le rapport de l’Observatoire des inégalités, publié fin 2020, elle représente 20 % des personnes pauvres en France. « Le taux de pauvreté est maximal entre 18 et 29 ans du fait de l’ampleur du chômage, des bas salaires et de la précarité de l’emploi. Cette tranche d’âge est aussi la plus touchée aujourd’hui par la crise économique qui suit la crise sanitaire », peut-on lire.
Ce phénomène qui existait avant la crise n’a fait que s’aggraver. Les personnes qui étaient en CDD, en intérim ou entre deux contrats au moment du confinement n’ont pas pu retrouver d’emploi à la fin de leur mission. Les jeunes travailleurs précaires ont été massivement touchés. Les conséquences ont été brutales sur leur revenu, en l’absence d’une couverture sociale suffisante permettant de faire face à cette situation. La plupart d’entre eux n’ont pas accès aux indemnités chômage car ils n’ont pas assez cotisé, et ne sont pas couverts par la protection mise en place pour la population, comme l’activité partielle des salariés en CDI.
Il n’est pas tolérable que le taux de pauvreté des jeunes soit deux fois plus important que dans le reste de la population ni que le seuil minimum pour vivre soit de 903€ pour les plus de 63 ans, 564€ entre 25 et 63 ans et inexistant entre 18 et 25 ans.
Ce chômage et cette pauvreté débouchent fatalement sur le mal-logement. Le logement est un problème majeur pour les jeunes en situation de précarité. Comment obtenir un bail, quand on n’a pas de CDI ? La part du budget des jeunes consacrée au logement est plus importante que dans les autres tranches d’âge de la population. C’est une profonde rupture générationnelle. D’autant que la hausse du prix de l’immobilier, donc des loyers, a contribué ces dernières années à enrichir les plus âgés, propriétaires des logements, tout en appauvrissant les plus jeunes, souvent locataires. C’est un transfert invisible de revenus qui s’est opéré d’une génération à l’autre, contribuant à aggraver les inégalités.
La détresse des jeunes et des familles n’est pas entendue
On ne peut pas dire que rien n’a été fait en 2020 et 2021. Des aides ponctuelles d’urgence ont été délivrées. L’augmentation des moyens accordés aux Missions locales pour aider les jeunes sans emploi et sans formation, même relativement faible, était indispensable. Mais les problèmes demeurent, ces mesures ont été comme de l’eau versée sur du sable. D’autant qu’au début de son mandat, Emmanuel Macron a supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et réduit de 5€ les aides personnalisées au logement APL).
Pourquoi maintenir ces jeunes dans la misère ? Dans des circonstances où l’emploi vient à manquer, et où l’on sait que les jeunes sont les plus touchés, pourquoi ne pas leur ouvrir le droit au RSA et augmenter son montant pour faire en sorte qu’aucun jeune ne vive en dessous du seuil de pauvreté ?
Comme l’écrit à juste titre le journal L’Humanité du 3 février 2021 : « Plan jeunes, un jackpot pour les grosses entreprises », c’est « L’argent pour les grandes entreprises ». Qu’on en juge. Entré en vigueur en août 2020, le dispositif gouvernemental destiné à subventionner l’embauche des moins de 26 ans s’accompagne de nombreux effets pervers. Après la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements de cotisations sociales patronales, la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, le nouveau cadeau se nomme « un jeune, une solution ». Le principe est le suivant : pour toute embauche d’un jeune de moins de 26 ans en CDI ou CDD de plus de 3 mois, l’entreprise reçoit un chèque de l’État d’un montant de 4 000€ maximum. Pour l’embauche d’un alternant, la somme peut grimper à 8 000€. Prévu initialement pour s’arrêter fin janvier 2021, ce dispositif a été prolongé par la ministre du Travail. Montant global : 6,7 milliards d’euros.
Pourtant, deux effets pervers vont amoindrir le nombre de créations d’emplois : l’effet d’aubaine et l’effet de seuil.
L’effet d’aubaine
Il consiste pour une entreprise à percevoir l’argent public pour des embauches qu’elle aurait réalisées de toute façon. C’est le cas, par exemple, de Décathlon qui a annoncé son intention de recruter 3 800 salariés de moins de 26 ans et 1 275 alternants dans le cadre du plan gouvernemental. Les syndicalistes de l’entreprise font cependant remarquer que le groupe aurait très certainement embauché des jeunes, avec ou sans coup de pouce public. Il a en effet recruté, en moyenne, 15 600 salariés de moins de 25 ans tous les ans depuis 2017. « La moyenne d’âge est de 30 ans, avec un turn-over très important. Pour la direction, avoir un effectif aussi jeune présente de nombreux avantages : c’est une main-d’œuvre hyper-flexible, peu chère, et qui fait très peu grève, comme elle ne reste en général que quelques mois dans l’entreprise ».
Le versement de deniers publics semble d’autant plus superflu aux syndicats que l’enseigne se porte bien, Décathlon aurait ainsi versé 300 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires en décembre 2020, tout en fermant des magasins… Ce qui ne l’a pas empêché de bénéficier des aides à l’activité partielle …
L’effet de seuil
C’est celui où des jeunes « prennent la place » de travailleurs âgés de plus de 26 ans, exclus du dispositif. Il peut être illustré par le cas d’école de la société Carrefour. « Cela faisait plus d’un an que j’étais en CDD, raconte Karine, employée au rayon frais d’un Carrefour Market de la Drôme. Il y a quelques jours, un responsable du magasin m’a prévenu qu’ils ne pourraient pas me garder dans l’entreprise. À la place, on va embaucher des jeunes, car l’État donne des aides, m’a-t-il lancé en guise d’explication. Je trouve ça indécent, surtout qu’ils savent à quel point c’est dur de trouver du boulot dans la période ».
En janvier 2021, la direction de Carrefour avait abondamment communiqué sur sa volonté d’embaucher 7 000 jeunes en CDI et 8 000 alternants, dans le cadre du plan « un jeune, une solution ». Mais la contrepartie était la suivante : fermer le robinet des contrats à durée déterminée. « Les directeurs de magasin nous ont dit qu’ils avaient pour ordre d’arrêter tous les CDD en France dès janvier 2021 », selon Philippe Allard, délégué syndical central CGT. Les sommes en jeu sont significatives : Carrefour pourrait empocher jusqu’à 92 millions d’euros… Pour Éric Heyer (OFCE), « Vous risquez de vous retrouver avec des chefs d’entreprise qui, au lieu d’embaucher un chômeur de 27 ans, par exemple, préféreront prendre un salarié plus jeune, pour bénéficier de l’aide. Dans ce cas-là, il n’y a pas de création d’emplois supplémentaires ».
Bien sûr, des entreprises de taille modeste, ou dont les finances ont été affectées par la crise, peuvent voir dans ce dispositif un ballon d’oxygène. Mais quid des plus grosses qui n’ont aucune difficulté pour embaucher ?
Les « arguments » abjects de la macronie contre le RSA 18-25 ans
Un florilège des déjections verbales des barons de la macronie contre le RSA 18-25 aurait probablement rempli des bibliothèques entières. Contentons-nous de quelques-unes parmi les plus répugnantes, à propos des jeunes en général, des pauvres, des chômeurs, des invisibles, des RMIstes…
Emmanuel Macron, lors de son interview à Brut le 4 décembre 2020, à propos du RSA jeunes : « Je ne suis pas un grand fan de cette option », car « dans notre société, le grand défi que l’on a, c’est un rapport au travail ». Monsieur Macron enfonce une porte ouverte. Mais en attendant qu’existe un emploi pour chacun, que faire ? Laisser les gens mourir de faim ? Ce genre de discours est parfaitement archaïque, laissant accroire que l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans favoriserait un prétendu « assistanat ». Ce préjugé s’est imposé à droite comme une évidence, et constitue l’essence même du macronisme. « Protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’État », arguait Emmanuel Macron dès juillet 2017.
Pour la députée LREM de Haute-Garonne, ancienne membre du Parti socialiste, Monique Iborra, « se battre contre les inégalités ne peut se résumer à une aide pécuniaire ». Ah bon ? Mais en attendant de trouver une formation ou un emploi, que le gouvernement ne propose pas, comment faire pour se nourrir, payer son loyer, se déplacer… ? Iborra, un nom à se rappeler dans la perspective des élections législatives de 2022…
Quant à la ministre déléguée à l’Insertion, Brigitte Klinkert, elle n’a aucun état d’âme : « Je le dis d’emblée : nous sommes en désaccord », a-t-elle affirmé à l’Assemblée nationale à propos du RSA jeunes. La « philosophie » de l’exécutif serait « diamétralement opposée » en ne croyant pas au « mirage » du minimum jeunesse. « Mon ambition pour les jeunes, ce n’est pas d’être allocataire. L’emploi est depuis 5 ans notre fil rouge. Nous voulons des parcours qui jouent pleinement leur rôle de tremplin. Le travail doit être au centre des dispositifs ». L’emploi ? Nous avons vu plus haut les résultats…
Dans Le Monde du 26 janvier 2021, le délégué général de La République en marche (LRM), Stanislas Guérini, proposait un « prêt » de 100 000€. Plus de 5 millions de personnes pourraient bénéficier de ce dispositif grâce à l’instauration de ce « capital jeune », qui serait « accessible à tous les jeunes entre 18 et 25 ans ». Le remboursement se ferait sur 30 ans, à taux 0 et uniquement si l’on atteint un certain niveau de revenu, fixé à 1 800€ brut par mois. Il pourrait servir à « payer les frais de scolarité pour faire des études, financer un logement étudiant, créer une entreprise ou simplement donner la possibilité à un jeune de se consacrer à 100 % à ses études, sans avoir à travailler en parallèle ». C’est un exemple typique de la conception du capital humain.
Stupide et grotesque
Dans une tribune publiée par Le Monde le 26 février 2021, Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et Ambroise Méjean, délégué général des Jeunes avec Macron affirment clairement : « La réponse à la précarité des jeunes n’est pas le RSA ». La première raison invoquée est que « Dépourvu de proposition d’insertion, le RSA jeunes est une mesure insuffisante ». Cette remarque est particulièrement stupide, car il ne tient qu’au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour corriger ce défaut très réel. Madame Borne et Monsieur Méjean préfèrent la généralisation de la « garantie jeunes » qui aurait « permis d’obtenir des résultats inédits malgré la crise ». Ce qui est faux.
La deuxième raison est le refus de toute aide financière, car « À 20 ans, on souhaite pouvoir tracer le chemin de son avenir. Bien sûr, les aides financières peuvent venir combler certains manques. Mais elles ne sont pas et ne doivent pas être une fin en soi. Aucun jeune en situation de précarité n’aspire à des prestations comme seul horizon. Il souhaite surtout pouvoir trouver une formation ou un emploi pour en sortir. Et c’est cet accompagnement que nous devons à chaque jeune ». Bien sûr, c’est l’emploi qui doit être l’objectif, parallèlement à la formation. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement, là encore, de prendre les mesures nécessaires ?
Ce dispositif reste très médiocre au regard des 963 000 jeunes de 16 à 25 ans ni en études, ni en emploi, ni en formation recensés en France (les « NEET » en anglais, « not in education, employment or training »), et à qui la garantie jeunes est destinée. D’autant que la garantie jeunes ne dure que 12 à 18 mois, que seul 1/3 des étudiants touche une bourse de 60 à 500€ par mois, et que le salaire moyen des moins de 25 ans qui travaillent est de 7 500€ par an. Tous ces jeunes sont pauvres.
Une mention spéciale doit être décernée au ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, qui fait changer d’échelle le crétinisme politique. Pour lui, élargir le RSA (564€ mensuels) aux moins de 25 ans, « Ce n’est pas une bonne politique », car « À 18 ans, ce qu’on veut, c’est un travail ». Bien sûr, c’est vrai. Mais alors pourquoi ne pas créer des emplois pour tous comme la possibilité a été démontrée dans le document du Gouv le Droit opposable à l’emploi ?
Comment concevoir le RSA jeune ?
Les principaux avantages du RSA jeunes sont les suivants :
1)- Assurer immédiatement un revenu décent aux jeunes. C’est le plus facile et rapide à réaliser et a des effets positifs immédiats autant individuels que collectifs. Certes, la perspective pour chaque jeune est de trouver un emploi et une formation. Mais face à la crise, l’urgence est d’abord d’assurer un revenu décent aux jeunes. Toutefois, l’un n’empêche pas l’autre. Un jeune de 19 ou de 23 ans a autant besoin de manger tous les jours de l’année et d’avoir un toit qu’un jeune de 26 ans ou 28 ans. À 17 ans, un jeune à charge est pris en compte dans les allocations sociales de ses parents. À partir de 25 ans, on est éligible à un revenu minimum. Et entre les deux ?
2)- Rompre la dépendance à la famille. Elle pose de plus en plus de problèmes aux familles, pas seulement celles qui sont modestes. Aujourd’hui, par exemple, les jeunes trouvent un premier emploi stable (un CDD de plus d’un an) vers 27 ans, et non plus à 20 ans, comme dans les années 1970. Or, l’idéologie dominante a toujours été le primat donné à la solidarité familiale. Il a toujours été considéré qu’avant 25 ans la situation des jeunes était du ressort et de la responsabilité de leur famille. Comment les familles pauvres peuvent-elles supporter ce poids ? Du côté des jeunes, le revenu permet d’être autonome et non plus dépendant de la famille afin de se responsabiliser et de sortir de l’infantilisation.
3.- Bénéficier, comme tous les citoyens, de l’ultime secours qu’est le RSA. Il n’est pas normal que les jeunes, diplômés ou non, ne disposent d’aucun soutien financier consacré à l’accompagnement de cette étape décisive vers l’autonomie, souvent marquée par la précarité, par des retours en formation, des hésitations ou des échecs, et où joue à plein la débrouille des uns et les réseaux familiaux des autres. Les bourses s’arrêtent avec la fin des études. Quant aux jobs étudiants, la plupart ne permettent pas d’avoir assez cotisé pour être indemnisés par l’assurance-chômage. Les jeunes doivent accéder au droit commun, et pouvoir s’inscrire rapidement auprès d’un véritable service public de l’insertion et de l’emploi, en bénéficiant d’un accompagnement adapté incluant un soutien financier.
4.- Disposer d’un revenu continu dans une période de discontinuités. La question n’est pas de savoir si les jeunes de 18-25 ans ont besoin d’un revenu minimal, la réponse est évidemment oui. Car lors de cette période de la vie on étudie pour l’acquisition d’un diplôme, qui donnera le plus de chance de pouvoir trouver un bon emploi et un bon revenu pour le reste de sa vie. On vit aussi des changements rapides de statut (vivre chez ses parents, ou de façon autonome, en couple, en colocation) ; être en formation, travailler en CDD, changer souvent d’emploi, être volontaire en service civique, être au chômage… Il a été démontré que l’augmentation de l’attribution de bourses accroissait le nombre d’étudiants d’origine modeste. Par conséquent, le RSA jeunes va permettre de traverser cette période plus facilement.
Les droits à l’assurance-chômage pourraient être accordés aux jeunes primo-accédants sur le « marché » du travail. Versés au choix du jeune sous la forme d’une allocation pour sécuriser la recherche du premier emploi, ou d’un capital permettant la création d’une activité entrepreneuriale, ce financement d’un droit nouveau par l’assurance-chômage marquerait la solidarité intergénérationnelle.
Le Conseil économique, social et environnemental CESE) a publié une déclaration demandant également de « garantir aux 18-25 ans l’accès aux minima sociaux ». Pour lui, la crise a entraîné une « forte diminution des emplois disponibles, particulièrement ceux en contrat d’intérim, en CDD, certains types d’emploi avec ou sans contrat de travail », mais aussi « les contrats de stage, les contrats d’alternance ou encore les contrats d’apprentissage », constatant qu’il s’agissait « autant d’emplois occupés largement par les jeunes ».
Face à ce constat, les solutions avancées par le gouvernement comme la garantie jeunes ou le plan « un jeune, une solution », saluées par le Comité économique, social et environnemental (CESE) et certains mouvements de jeunes, sont cependant unanimement déclarées insuffisantes. « Pas toujours lisibles » et « limitées dans le temps » pour le CESE, pour qui, au-delà de ces « mesures temporelles et conjoncturelles », c’est « une réforme structurelle de notre politique de jeunesse » qui doit être entreprise. « La garantie jeunes ne fonctionne qu’une seule fois, elle s’adresse à des jeunes très éloignés de l’emploi », son montant est inférieur à 500€. Elle n’apporte pas non plus de solutions en matière de logement ou de couverture maladie. Le CESE se dit « convaincu que seul un droit commun ouvert à toutes et à tous sous condition de ressources est à même de garantir dans le temps l’arrimage des jeunes à la solidarité nationale » dont ils sont aujourd’hui privés.
Les citoyens ne s’y trompent pas. Selon un sondage OpinionWay-Les Échos (« Les Français et la situation des jeunes pendant la crise sanitaire ») de février 2021, à la question « Êtes-vous favorable ou opposé à l’extension des droits au RSA pour les 18-24 ans », ils sont 68 % à se déclarer favorables…
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