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Gouverner par référendum ?

Gouverner par référendum ?
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On entend dire partout que la situation actuelle rendrait la France « ingouvernable », « bloquée », « paralysée », « en crise », « incapable de mettre en place des coalitions pour gouverner »… Des causes sont évoquées : absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, fragmentation de cette dernière en douze groupes, lenteur de la nomination du Premier ministre par le président de la République, absence de « culture du compromis » de la classe politique, Constitution et institutions inadaptées, gouvernement Barnier inversement représentatif des résultats des législatives de 2024…

Pour se sortir par le haut de ce bourbier, pourquoi ne pas faire appel au souverain, c’est-à-dire le peuple ? Il serait convoqué à des référendums issus de l’article 11 de la Constitution. Ce dernier stipule que « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement (…), peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. (…) Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. »

Une seule chose serait demandée aux partis et groupements politiques : se mettre d’accord sur un principe et une méthode qui ne risqueraient pas de leur donner l’impression de se compromettre. Les parlementaires membres de ces partis passeraient le relais au gouvernement. Ce dernier, sous peine de censure, mettrait en œuvre.

Le principe serait celui de l’organisation de deux référendums à questions multiples chaque année pendant la législature. Ce processus pourrait commencer en 2025, avec un référendum en juin 2025 et un autre en décembre. La France s’inspirerait notamment de la Suisse, et deux fois par an se tiendraient en réalité plusieurs référendums. Il n’y aurait qu’un seul bulletin pour s’exprimer avec plusieurs questions auxquelles répondre par OUI ou par NON (ou par le nul).

A priori, tous les partis sont favorables au référendum. Seul le Nouveau Front populaire (NFP), dans son « contrat de législature », ne propose pas le recours au référendum pour appliquer certains éléments de son programme. Le convaincre d’accepter le principe des référendums à questions multiples paraît possible. Le NFP pourrait ainsi proposer l’abrogation des décrets d’application de la réforme Macron sur les retraites et l’augmentation du Smic mensuel à 1 600€ net. Le Rassemblement national (RN) pourrait proposer un référendum sur l’immigration comme il le demande. Quant à Emmanuel Macron, il voulait élargir le champ du référendum. Ses amis ont ici l’occasion, avec le référendum à questions multiples, de réaliser son vœu. Les Républicains (LR), de leur côté, ont une vague filiation avec le général de Gaulle. Ils n’ignorent pas que ce dernier, en onze ans de présidence (1958-1969) aura organisé cinq référendums… Les LR peuvent-ils faire moins ?

La méthode porterait sur le choix des sujets, qui seraient généralement présentés sous la forme de projets de lois. Le seul effort demandé aux partis politiques serait de se mettre d’accord sur la clé de répartition des questions, évidemment pas sur les questions elles-mêmes. Chaque parti aurait droit à un nombre annuel de questions, proportionnel à leur score obtenu lors du premier tour des élections législatives de 2024 selon les résultats publiés par le ministère de l’Intérieur.

A titre d’exemple, il serait possible d’organiser une douzaine de référendums par an, soit 2 référendums semestriels avec un peu plus de 5 questions chaque fois. Autrement dit, pour avoir la possibilité de soumettre à référendum des éléments de son programme, le parti concerné devra avoir obtenu au moins 10 % des voix aux législatives de 2024. Un projet de loi soumis à référendum équivaut donc à 10 % des voix. Selon cette méthode, trois partis ou groupements politiques auraient alors droit à soumettre chacun, dans un premier temps, un projet de loi à référendum : le RN, le NFP, ENS (macronistes).

  • RN : 19,01 % = 1
  • NFP : 18,23 % = 1
  • ENS (macronistes) : 13,03 % = 1

Dans un second temps, la méthode du plus fort reste (1) permettrait d’établir une liste par priorités à partir des définitions et des résultats donnés par le ministère de l’Intérieur :

  • RN : 9,01 % = 1
  • NFP : 8,23 % = 1
  • ENS (macronistes) : 3,03 % = 1

S’ajouteraient enfin les partis ayant obtenu entre 1 et 10 % des voix. Ils pourraient obtenir, cette fois-ci sur la durée de la législature, un référendum pour chaque 1 % de voix obtenues :

  • LR : 4,27 % = 4
  • UXD (extrême droite) : 2,57 % = 2
  • DVD (divers droite) : 2,34 % = 2
  • DVG (divers gauche) : 1 % = 1

En dernier lieu, il est possible et même indispensable d’ajouter une innovation démocratique majeure avec le référendum d’initiative citoyenne national (RIC). Les partis et groupements politiques devraient alors se mettre d’accord sur une procédure simple : 300 000 signatures en soutien au référendum sur chaque sujet proposé par des associations de la loi de 1901. Les sujets qui obtiendront le plus de signatures seront retenus (fixer le nombre). Le RIC (national et local) est la première marche de la reconstruction d’une société démocratique. C’est le peuple, directement et non simplement via ses députés et élus, qui doit décider de tous les sujets importants et les trancher lui-même.

Pour tous ces référendums, le Conseil constitutionnel serait consulté pour avis. Si le Conseil constitutionnel estime qu’un projet de loi référendaire est contraire à la Constitution, il serait retiré des questions soumises à référendum pour être reformulé.

Au total, il y aurait 6 référendums en 2025 provenant des partis ayant obtenu plus de 10 % des voix aux législatives de 2024, 2 (par exemple), tirés au sort, provenant des partis ayant obtenu entre 1 et 10 % des voix, et un nombre à déterminer provenant des RIC (2 par exemple ?). Le total annuel pourrait être de 10 ou 12. Il est même certainement possible d’aller plus loin.

Le peuple souverain exercerait alors pleinement son rôle. Le référendum est un instrument décisif. Il provoque le débat public mobilisant directement les citoyens, et il est ensuite tranché par eux. Que l’on songe, à cet égard, aux fantastiques débats publics qui se sont tenus lors des référendums de 1992 (Traité de Maastricht) et de 2005 (Traité constitutionnel européen). Les divisions des partis ne recoupent pas toujours les divisions idéologiques des Français.

Depuis 2005, aucun référendum n’a été organisé. Ces presque vingt dernières années, le pouvoir souverain du peuple français a été mis en sommeil. En fait, l’abstention électorale vient pour une large part de l’oligarchie politique qui refuse de convoquer le peuple sur les principales questions stratégiques qui le concernent pourtant au premier chef. Les Français soutiennent très largement le référendum. La mise en œuvre du référendum annuel à questions multiples recueillerait sans aucun doute l’assentiment du peuple et provoquerait sa remobilisation électorale. Et pourquoi ne pas soumettre à référendum le prochain projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ?

(1) Cette méthode consiste à attribuer successivement les sièges non encore pourvus aux listes qui ont le plus fort reste c’est à dire le plus grand nombre de voix inutilisées lors du premier calcul.

Par Jacques Nikonoff, universitaire, ancien élève de l’ENA, président d’Attac de 2002 à 2006, animateur de la Dynamique populaire constituante.


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