Présidentielle 2022 : les abstentionnistes, premier « parti » de France
Le rideau vient de se refermer sur le premier acte du spectacle électoral de l’élection présidentielle. Il n’y a eu aucune surprise, on connaissait déjà la fin de l’histoire depuis longtemps. Le duel Macron / Le Pen pour le second tour était en effet prévu dès la fin de l’élection présidentielle 2017. En 2022, le facteur le plus important, malgré une pression médiatique considérable pour les discréditer, est que les abstentionnistes (mais aussi les votes blancs et nuls), comme en 2002 et en 2017, forment le premier « parti » de France. Cela a permis, dès le premier tour, de ne donner qu’une faible légitimité aux deux candidats sélectionnés pour le second. La Coordination nationale boycott présidentielle 2022 se félicite de ce résultat et remercie tous les citoyens qui ont participé activement à la campagne de boycott de cette élection.
Le vote prétendument « utile », qui consiste à voter pour le candidat réputé le « moins pire », a écrasé le vote de conviction. Au second tour, le 24 avril, les citoyens seront invités à choisir entre la peste et le choléra. Peut-on véritablement faire un « choix » dans de telles circonstances ? La campagne de boycott de la présidentielle doit donc s’amplifier au second tour. Son but sera de priver de légitimité celui ou celle qui sera élu. Dès lors, des conditions favorables se présenteront pour les élections législatives, afin de provoquer une nouvelle cohabitation entravant l’action du président ou de la présidente, l’empêchant d’aggraver la situation de la population. Les mobilisations populaires indispensables pour parvenir à cet objectif s’en trouveront renforcées.
Excellent résultat de l’abstention
Avec 13,6 millions de citoyens (27,9 % des inscrits), l’abstention (12,8 millions, 26,3 % des inscrits), les blancs (0,5 million, 1,1 % des inscrits) et les nuls (0,2 million, 0,4 % des inscrits), dépassent plus largement encore le score de Monsieur Macron qui obtient 9,7 millions de voix (20 % des inscrits). Quant à Madame Le Pen, qualifiée également pour le second tour, elle obtient 8,1 millions de voix (16,6 % des inscrits).
Les partisans de Madame Le Pen et de Monsieur Mélenchon, sans parler de plusieurs « petits » candidats, prétendaient que « l’abstention c’est voter Macron ». Observons d’ailleurs qu’en 2017 les macronistes et mélenchonistes prétendaient que « l’abstention c’est voter Le Pen » ! Le résultat du premier tour montre que ces slogans n’étaient qu’une entourloupe pour défendre les positions des partis installés. Malgré un nombre plus important d’inscrits en 2022 (48,7 millions contre 47,5 millions, soit + 1,2 million), l’abstention, a augmenté en 2022 par rapport à 2017 :
- Abstention + 2,3 millions (+ 4,1 %)
- Blancs – 0,1 million (-0,2 %)
- Nuls = (- 0,2 %)
Ces résultats témoignent d’une réelle dynamique de mise en cause du système politique actuel.
Ainsi, les trois premiers du scrutin gagnent des voix par rapport à 2017, mais cela correspond à la combinaison de l’augmentation du nombre d’inscrits et à une logique purement électoraliste de « vote utile ». Il s’ensuit que Monsieur Macron progresse, passant de 18,1 % des inscrits en 2017 à 20 % en 2022, soit + 1,9 %. Madame Le Pen progresse également, passant de 16,1 % en 2017 à 16,6 % en 2022, soit + 0,5 %. Monsieur Mélenchon progresse aussi, puisqu’il passe de 14,8 % des inscrits en 2017 à 15,8 % en 2022, soit + 1 %.
Le vote « utile » ou pour le « moins pire » a écrasé le vote de conviction
C’est l’une des principales critiques que l’on peut faire au mode de scrutin présidentiel par l’élection directe au suffrage universel. Les citoyens ne peuvent plus voter selon leurs convictions, mais à partir des calculs fortement suggérés par la pression médiatique et les sondages, visant à éliminer les candidats qui apparaissent comme les pires, pour favoriser ceux que l’on présente comme les moins pires. Imaginons que nous soyons en 1936, période pendant laquelle il n’existait pas de sondages ni de système médiatique aussi développé qu’aujourd’hui et que le mode de scrutin actuel soit en vigueur. Comment se forgeait le choix des électeurs ? Certes, il y avait une presse largement aux mains du grand patronat, qui militait pour les candidats défendant ses intérêts, essentiellement à droite. Mais ces journaux n’étaient pas lus par les classes populaires qui formaient leur opinion à partir de l’action de terrain des militants de gauche essentiellement. C’est donc la conviction qui prévalait, tout calcul était impossible puisque rien ne permettait de savoir quels étaient les prévisions de vote.
Une faible légitimité des deux sélectionnés pour le second tour
À eux deux, ils ne représentent qu’un peu plus d’un tiers du corps électoral (36,7 % des inscrits et 17,8 millions de voix sur 48,7 millions d’inscrits). Certes, l’élection se fait au second tour, mais les résultats du premier donnent le poids politique réel de chaque candidat. Pas tout à fait d’ailleurs, car cette élection montre que le vote utile a gonflé les scores de Macron, Le Pen et Mélenchon au détriment des autres candidats. Ce mode électoral démontre son caractère totalement anti-démocratique. Car si 17,8 millions de citoyens ont voté pour ces deux personnages, plus de 30 millions n’en veulent pas (30,9 millions). Et c’est pourtant entre ces deux candidats qu’il faudra choisir au second tour. Disposant d’une faible légitimité après le premier tour, Monsieur Macron est devenu le candidat commun à messieurs Jadot et Roussel et à mesdames Pécresse et Hidalgo… Quant à Monsieur Mélenchon, dans l’ambiguïté comme toujours, il a annoncé « pas une voix pour Marine Le Pen ». Mais il n’a pas ajouté « et pas une voix non plus pour Emmanuel Macron »…
En procédant de la sorte, ces dirigeants politiques accordent une légitimité indue à celui qu’ils décriaient avant les élections. Comment vont-ils faire, et comment pourront-ils être crédibles après les élections, quand il s’agira de mobiliser contre la retraite à 65 ans propulsée par Monsieur Macron, son mépris de l’environnement, l’affaiblissement de la Sécurité sociale, de notre système de santé, de l’éducation nationale, des services publics… ?
Au second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril, la Coordination nationale boycott présidentielle 2022 invite les citoyens à ne pas choisir entre la peste et le choléra. La campagne de boycott de la présidentielle doit donc s’amplifier au second tour (abstention, blanc ou nul). Son but sera de priver de légitimité celui ou celle qui sera élu. Puis les élections législatives offriront l’occasion de sortir du piège en privant le président/e élu/e de majorité parlementaire.
Au second tour, ni peste ni choléra, pas une voix pour Macron
- C’est lui qui a refusé de débattre au premier tour de son bilan et des perspectives qu’il propose.
- C’est lui qui a fait subir des violences inouïes contre les Gilets jaunes, dont plusieurs dizaines ont été éborgnés, amputés, gazés… C’est lui qui a divisé les Français pendant la pandémie.
- C’est lui qui a décrété l’état d’urgence et restreint les libertés publiques.
- C’est lui qui veut mettre en place la retraite à 65 ans et baisser le niveau des pensions.
- C’est lui qui veut réformer l’éducation afin de transformer l’école en entreprise.
- C’est lui qui a fermé des services hospitaliers et des milliers de lits.
- C’est lui qui veut privatiser l’Etat, casser le statut des fonctionnaires et introduire le secteur privé dans ce qui devrait rester du domaine de l’intérêt général (McKinsey).
- C’est lui qui, avec la loi travail, veut l’ubérisation de toute la société.
- C’est lui qui organise un système de favoritisme en faveur des copains et des coquins.
- C’est lui qui se fait le porte-parole de l’OTAN, qui s’aligne sur les États-Unis.
- C’est lui le fossoyeur en chef de la souveraineté nationale au profit d’une fumeuse souveraineté européenne qu’il revendique.
Au second tour, ni peste ni choléra, pas une voix pour Le Pen
Madame le Pen a fait de nombreuses promesses sociales et démocratiques dans son programme, mais elle ne pourra pas les tenir si elle est élue. Son programme n’est pas chiffré, il est inconsistant en matière démocratique, économique, environnementale et sociale. D’abord, elle ne veut pas sortir du système de l’Union européenne qui rend incompatible la plupart des mesures qu’elle propose. Ensuite, la Constitution française interdit certaines des mesures qu’elle envisage, notamment la suppression du droit du sol. Le président de la République ne dispose pas des moyens constitutionnels pour convoquer un référendum afin de réviser la Constitution. En outre, pour respecter ses promesses, il faudrait que Madame Le Pen dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale. Cette perspective est hautement improbable.
Nous appelons à la mobilisation populaire pour les législatives, et notamment les abstentionnistes, pour empêcher Macron ou Le Pen d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale.
Nous invitons les13 millions d’abstentionnistes à faire irruption aux législatives pour démontrer que leurs voix sont déterminantes et peuvent porter un sérieux coup au scénario programmé par les puissants et les politiciens.
Ainsi, un fort boycott au second tour de la présidentielle suivi d’une forte mobilisation en faveur de candidats citoyens et constituants aux législatives, là où ils se présenteront ou, à défaut, un vote massif pour un candidat s’opposant résolument aux politiques antisociales, néolibérales et antidémocratiques peuvent priver Macron ou Le Pen de majorité à l’Assemblée nationale. Le président ou la présidente sera alors contraint de nommer un Premier ministre d’opposition qui formera un gouvernement. La cohabitation entravera le projet mortifère présidentiel. Non seulement cela rendra impossible son action gouvernementale mais cela rétablira l’Assemblée dans son rôle législatif plus près de la représentation du peuple. Une nouvelle étape sera ouverte, favorable à un nouveau rapport de forces dans et hors les murs du Parlement.
Avec les abstentionnistes de la présidentielle, l’heure est à réinstituer le peuple comme corps politique autonome. Un Bloc populaire peut se constituer pour affronter le Bloc oligarchique et le battre.
Résultats au 1er tour (ministère de l’Intérieur)
Liste des candidats |
Voix |
% Inscrits |
% Exprimés |
---|---|---|---|
M. Emmanuel MACRON |
9 785 578 |
20,07 |
27,84 |
Mme Marine LE PEN |
8 136 369 |
16,69 |
23,15 |
M. Jean-Luc MÉLENCHON |
7 714 949 |
15,83 |
21,95 |
M. Éric ZEMMOUR |
2 485 935 |
5,10 |
7,07 |
Mme Valérie PÉCRESSE |
1 679 470 |
3,45 |
4,78 |
M. Yannick JADOT |
1 628 337 |
3,34 |
4,63 |
M. Jean LASSALLE |
1 101 690 |
2,26 |
3,13 |
M. Fabien ROUSSEL |
802 615 |
1,65 |
2,28 |
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN |
725 356 |
1,49 |
2,06 |
Mme Anne HIDALGO |
616 651 |
1,26 |
1,75 |
M. Philippe POUTOU |
268 984 |
0,55 |
0,77 |
Mme Nathalie ARTHAUD |
197 184 |
0,40 |
0,56 |
Nombre |
% Inscrits |
% Votants |
|
---|---|---|---|
Inscrits |
48 747 914 |
||
Abstentions |
12 824 135 |
26,31 |
|
Votants |
35 923 779 |
73,69 |
|
Blancs |
543 638 |
1,12 |
1,51 |
Nuls |
237 023 |
0,49 |
0,66 |
Exprimés |
35 143 118 |
72,09 |
97,83 |
En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.
je partage l’analyse de Jacques Nikonoff