III.- LES BOYCOTTS ELECTORAUX EN ASIE
Nous ne prendrons que deux exemples : le sud Viêtnam en 1966 et le Bangladesh en 2014.
Sud Viêt-Nam, élection de l’Assemblée constituante, 11 septembre 1966
Le 1er novembre 1963, un coup d’État militaire provoque la chute et l’assassinat du président de la République Ngô Dinh Diêm, pourtant allié des États-Unis. L’anarchie politique se développe, de très nombreux gouvernements se succèdent jusqu’en 1965, dominés surtout par les militaires. La période est également marquée par les luttes d’influence entre bouddhistes et catholiques. En mars 1965, une division de Marines américains débarque sur la plage de Da Nang, marquant le début de l’intervention directe des troupes américaines.
En juin 1965, le général Nguyen Van Thieu devient chef de l’État, tandis que le général Nguyen Cao Ky devient chef du gouvernement. L’instabilité politique et la désagrégation économique et sociale amènent la prise en charge progressive du pays par les Américains qui soutiennent ouvertement le général Thiêu.
Les dirigeants vietnamiens bouddhistes appellent au boycott de l’élection de l’Assemblée constituante du 11 septembre 1966. Ils accusent le gouvernement Ky d’utiliser ces élections « pour former un régime dictatorial au service d’intérêts étrangers. » Ils remettent en cause non seulement l’orientation politique de ce gouvernement, mais son action de dilution de l’histoire et de l’identité vietnamiennes. Ce boycott aura puissamment contribué à isoler le gouvernement « fantoche » sud-vietnamien.
Bangladesh, élections législatives du 15 février 1996 et du 5 janvier 2014
Les élections législatives du 15 février 1996 sont boycottées à la suite de l’accusation portée par la Bangladesh Awami League, le parti d’opposition, selon laquelle le gouvernement dirigé par le Bangladesh nationalist party (BNP) aurait truqué les élections de mars 1994. L’opposition organise de multiples manifestations et grèves générales pour demander la démission du Premier ministre Khaleda Zia. Tous les députés de l’opposition démissionnent en décembre 1994.
Les nouvelles élections, organisées le 15 février 1996, sont boycottées par la plupart des partis d’opposition. C’est un succès puisque le pourcentage d’électeurs n’est que de 21 %. Certes le Bangladesh nationalist party obtint 300 sièges sur 300, mais la crise politique s’accentue et le gouvernement est contraint à la démission. De nouvelles élections se tiennent en juin 1996, elles sont gagnées par la Bangladesh Awami League.
Autres cas en 2013 et 2014, où la violence s’est déchainée pendant des mois entre le parti gouvernemental Awami League et la principale force d’opposition, le Bangladesh National Party (BNP). Le BNP appelle au boycott des élections car le gouvernement refuse de mettre en place des observateurs indépendants pour surveiller le scrutin. Cette formule a été utilisée avec succès lors des élections précédentes pour éviter tout risque de manipulation par le gouvernement. Les observateurs américains et européens refusent de contrôler cette élection.
Les élections législatives ont bien eu lieu comme prévu le 5 janvier, mais dans des conditions inacceptables. Les violences se sont multipliées (22 morts et des centaines de blessés) et les bureaux de vote sont pour beaucoup d’entre eux totalement vides. Les résultats sont sans surprise : l’Awami League arrive en tête. Le taux de participation est cependant très faible (26 %), voire nul dans certaines circonscriptions. La légitimité du nouveau gouvernement est donc inexistante.
L’opposition appelle à une grève générale. Elle demande au gouvernement d’annuler cette élection, de démissionner et de trouver un accord avec elle pour organiser une nouvelle élection, libre, neutre et juste sous l’égide d’un gouvernement non partisan. La diplomatie américaine a exprimé sa « déception » et a réclamé un nouveau scrutin qui soit « crédible ». Le boycott articulé à la mobilisation populaire, comme élément de cette mobilisation populaire, a eu davantage d’impact que le vote.