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La blockchain de la valeur et l’Euro numérique

La blockchain de la valeur et l'Euro numérique
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Par Jean-Pierre Crépin, économiste et Gilets jaune

Nous vivons une période historique. L’économie de douce et banale est devenue belliqueuse et brutale. Trump est de retour et a décidé de procéder à un démontage d’illusions qui auront duré des décennies. Le croupier du casino mondial vient de rappeler la loi du score. Tarifs douaniers, complexe militaro-industriel et désormais financier dans la mondialisation. Taux d’intérêts, annexions territoriales et main basse sur les terres rares accompagné d’une volonté de réindustrialisation dans la production d’acier et d’aluminium. Les matières premières se payant uniquement en dollar. Selon les informations recueillies par Bloomberg et non démenties par les autorités américaines, dans les semaines à venir, les ports américains se préparent à recevoir entre 100 000 et 150 000 tonnes de cuivre raffiné. Si tout ce matériel arrivait bien en avril, le précédent record établi par 136 951 tonnes en janvier 2022 serait battu. Et étant donné que la consommation intérieure américaine est deux fois plus importante que la production, il est nécessaire d’importer. Du Canada et du Mexique, bien sûr. Mais maintenant aussi du Chili et du Pérou.

Et ce n’est pas tout. Il y a un remodelage plus large des chaînes d’approvisionnement qui est potentiellement sur les cartes, a déclaré Tom Mulqueen, analyste de Citigroup. C’est-à-dire que les cargaisons à destination de l’Asie – où la Chine représente à elle seule 40 % de tout le cuivre raffiné – ont été redirigées vers le marché américain. 

We play together, we pay together… rappel des fondamentaux… Le shérif est de retour mais il demande rémunération car il doit changer de modèle.

Fin de la mondialisation heureuse… fin de la vassalisation tranquille…

La période où les USA faisaient financer leurs déficits jumeaux budgétaires et commerciaux par le reste du monde en échange de l’épargne mondiale qui finissait à Wall Street ou dans les obligations souveraines américaines touche à sa fin. La volonté de dédollarisation entreprise par les BRICS n’y est pas pour rien. Tout le monde doit payer désormais pour rester dans le wagon du Maître. C’était gratuit jusqu’à la caisse et la caisse, ses taxes et ses tarifs douaniers, c’est aujourd’hui. Les déficits commerciaux et budgétaires des USA sont devenus insoutenables.

Ce changement de politique a des conséquences énormes. Dans ce document, nous allons étudier les conséquences sur les MNBC (monnaies numériques de Banque centrale). La Chine, la deuxième économie mondiale et première à se lancer dans l’aventure des monnaies numériques l’a compris dès 2019 avec l’apparition du yuan numérique qui venait concrétiser des recherches et des brevets entrepris depuis 2014. La Banque centrale européenne a mis beaucoup de temps à réagir et souhaite maintenant accélérer. Examinons les raisons.

Le point de bascule est évidemment le retour de Trump et de son administration très favorable aux cryptomonnaies. A tel point que Trump a proposé que les deux principales le Bitcoin et l’Ethereum fassent partie d’une réserve stratégique en compagnie d’autres cryptos à définir. Trump a également annoncé qu’il voulait faire des USA la capitale mondiale des cryptomonnaies. Il est également hostile à la création d’une monnaie numérique de banque centrale, logique puisque toutes les cryptos sont américaines et viennent conforter l’hégémonie mondiale du pays en rapatriant de tous les autres pays capitaux et base de données. Tout comme les intermédiaires Visa et Mastercard, et Paypal tous les trois Etats-unien… un monde parfait…

Voici donc le vent de panique saisir la Banque centrale européenne qui désire maintenant sortir l’euro numérique le plus vite possible. Lors d’une interview avec le média Reuters, Piero Cipollone, membre du conseil d’administration de la Banque centrale européenne, a annoncé son « espoir » que l’Union européenne vote des lois avant même cet été 2025 et dans tous les cas sorte l’euro numérique dans le deuxième semestre.

Pour bien comprendre les enjeux, prenons un exemple très simple.

La Chine domine l’industrie mondiale de l’acier et de l’aluminium. Ses vastes usines modernes produisent au moins autant de ces deux métaux que le reste du monde. La majeure partie sert, en Chine, à construire toutes sortes de choses : gratte-ciel, navires, appareils ménagers, voitures, etc.

Or, depuis peu, la Chine exporte plus d’acier et d’aluminium, car son économie ralentit, ce qui sape la demande intérieure. Une bonne part de ces exportations à bas prix sont destinées au Canada et au Mexique, qui exportent une part importante de leur production plus coûteuse aux États-Unis. D’autres métaux chinois sont achetés dans des pays émergents comme le Viêtnam, qui achète désormais d’énormes quantités d’acier semi-transformé chinois, le finit et le revend ensuite estampillé Made in Vietnam partout dans le monde.

Imaginons maintenant un patron d’usine français qui trouve un fournisseur en Chine. Pour l’acompte ou le paiement, il remplit un formulaire numérique à sa banque privée. Sa banque l’envoie à la Banque de France qui l’envoie à son tour à la Banque centrale européenne qui le convertit en dollar et l’envoie à un intermédiaire Etats-unien Visa ou Mastercard qui à son tour va l’envoyer à la Banque populaire de Chine qui convertira les dollars en yuans numériques. Toutes ces intermédiations prennent du temps et chacun se sert au passage. Imaginons maintenant que notre patron d’usine français ouvre directement un compte à la Banque populaire de Chine. Non seulement le paiement est instantané avec un coût nul mais cela supprime tous les intermédiaires et donc toutes les rentes que les uns et les autres encaissent. Voici tout ce qui terrifie Washington… la fin des rentes… la fin de l’hégémonie du dollar.

Si tout ceci apparaît désormais une nécessité pour la Banque centrale européenne, ce n’est pas le cas pour les citoyens des pays européens. Une étude a révélé que les citoyens des pays européens ont exprimé un faible intérêt pour cette MNBC, préférant les espèces, comptes courants et d’épargne. Les peuples européens sont beaucoup moins pressés et intéressés par un euro numérique que ne le sont les banquiers supranationaux de l’UE. Sur un total de 19 000 personnes réparties dans 11 pays de la zone euro. Et elle montre donc que les Européens ne sont pas convaincus par les avantages annoncés d’un euro numérique. Ainsi, lorsqu’on a demandé à ces citoyens des pays européens comment ils répartiraient 10 000 euros entre différents actifs, leur préférence va clairement aux espèces, aux comptes courants et aux comptes d’épargne. Pire encore pour la BCE, 55 % des sondés ne veulent pas adopter cette MNBC pour leurs paiements quotidiens.

Les raisons du désintérêt envers l’euro numérique.

L’enquête de la BCE identifie plusieurs raisons pour lesquelles les citoyens ne sont pas intéressés par cette monnaie numérique de banque centrale, qui est pourtant poussée de toute ses forces par Christine Lagarde

Ainsi, environ 43 % des Européens préfèrent utiliser des modes de paiement alternatifs à l’euro numérique qui répondent déjà très bien à leurs besoins. Il y a également 10 % des Européens sondés qui considèrent que le degré d’anonymat et le respect de la vie privée d’une MNBC (Monnaie numérique de banque centrale) sera plus faible que celui des autres moyens de paiement.

On apprend aussi dans cette étude que la Banque centrale européenne tente d’imposer son euro numérique via des « vidéos éducatives » pro-MNBC, qui ont été utilisées auprès des sondés pour étudier une éventuelle amélioration de leur adoption.

Les citoyens ont-ils raison de se méfier ?

Les monnaies numériques sont alimentées par la Blockchain système de registre décentralisé et distribué qui permet un enregistrement sécurisé, transparent et infalsifiable des transactions à travers un réseau d’ordinateurs. Une véritable révolution informatique. Bien sûr, la technologie est neutre et tout dépend de l’usage que l’on en fait. Nous pouvons le constater avec Elon Musk qui veut s’en servir pour mesurer la productivité des fonctionnaires afin d’en licencier un grand nombre. En vérité toutes les banques commerciales ont déjà toutes les informations sur nous et nous pouvons être interdit bancaire ou totalement tracé via nos achats sur smartphone par ordinateurs ou via nos cartes de crédit. En revanche, il est clair qu’un euro numérique ne faisant que faciliter le travail des banques sans rien apporter comme service nouveau aux populations rencontrera toujours une forme d’hostilité. Nous pouvons donc affirmer qu’un euro numérique sans politique monétaire ne sert à rien.

Si à la suite des séismes économiques que nous vivons, la zone euro venait à se disloquer ou si nous faisons le choix de quitter l’union monétaire progressivement, ou d’autres pays, nous pourrions alors mettre en place en France cette véritable politique monétaire qui serait acceptée par tous.

En voici les contours et objectifs : tout d’abord, l’introduction d’un franc numérique permettrait un vrai contrôle sur les banques car la Banque de France pourrait mieux vérifier l’activité des banques, des produits qu’elles proposent et de leurs résultats. La production d’information sur la circulation de l’argent et sa distribution serait beaucoup plus rapide. La Banque de France pourrait régler ses moyens sur ses objectifs. Par exemple avoir une politique monétaire ciblée. Décider d’actions ciblées sur des catégories précises de citoyens. Ainsi la Banque de France pourrait déclencher des politiques de taux d’intérêts différents sur les territoires. Ce qui résolverait les problèmes que nous rencontrons à Mayotte ou dans les DOM TOM confrontés à la vie chère. Idem pour certains départements de la France périphérique en voie de pauvreté ou confrontés à la désertification. Des taux négatifs dans ces zones inciteraient les gens à s’installer et à développer une économie de manière plus efficaces que le réseau bancaire traditionnel. En tirant parti de la blockchain la Banque de France pourrait coder selon ses objectifs et porter des efforts ciblés. En réduisant les taux d’intérêts et réduire le crédit à la consommation et le surendettement. Il lui suffirait de modifier certains paramètres de la blockchain.

Un franc numérique permettrait également la mise en place d’un système de compensation numérique indépendant des intermédiaires américains comme nous l’avons vu plus haut avec le patron d’usine français qui achète en chine ou ailleurs. Tout cela démultiplié par tous les pays qui ne veulent plus rester sous la coupe des USA.

En clair, l’objection de contrôle social via une monnaie numérique serait levée si elle devenait au contraire une protection sociale comprise par tous. Une vraie blockchain de la valeur…


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