Par Jean-Pierre Crépin, économiste et Gilet jaune
En France et en Europe, les décisions de Trump continuent de passer pour incompréhensibles et inutilement nuisibles. Sur les plateaux TV, nous avons droit à des experts qui analysent la psyché de Trump comme ils l’avaient fait pour Poutine au début du conflit. Tantôt c’est un imprévisible tantôt un négociateur de business.
Nous ne pensons pas cela et en voici la démonstration. L’administration Trump a derrière elle toutes les « entreprises américaines et un secrétaire du Trésor qui a commencé sa carrière avec Soros dans les années 90 dans un fonds spéculatif qui spéculait contre les États. Comment spécule-t-on contre les Etats ? En attaquant leur monnaie. Ainsi Scott Bessent est ce qu’on appelle un category killer. Pas besoin de traduire…Il a fait partie, dans le fond Soros, tristement célèbre milliardaire, de l’équipe qui a attaqué la livre sterling en 1990 : bénéfice net 1 milliard… Trois ans après, il a remis cela et a fait partie de l’équipe qui a attaqué le yen, même résultat d’un milliard….
Prenons un peu de recul. L’économie américaine a survécu à un épisode inflationniste sans précédent depuis deux générations et au doublement des rendements publics, par rapport à la moyenne 2009-2019, grâce à des mesures de relance budgétaire en temps de guerre ou de récession qui se sont poursuivies bien au-delà de la crise du Covid et des confinements. Si vous réduisez les dépenses budgétaires, l’économie ralentit et même toute la présomption européenne ne peut penser que cela est inconnu du département du Trésor. Trump, quant à lui, veut rapatrier l’industrie pour deux raisons.
La première, économique, est que le déficit commercial est devenu insoutenable. La seconde, dont on fait beaucoup moins parler, est stratégique car les très longues chaînes d’approvisionnement qui s’appuient sur des pays à bas coûts, principalement la Chine, sont très efficaces mais rendent le pays sans industrie manufacturière et sans contrôle sur les matières premières ; tant en cas de conflits houleux qu’avec la Chine et Taiwan qu’en cas de restructuration profonde des équilibres économiques mondiaux.
L’Amérique ne peut pas rapatrier son industrie manufacturière avec une monnaie structurellement surévaluée et un flux ininterrompu d’épargne mondiale vers Wall Street. L’Amérique ne peut pas rapatrier l’industrie sans provoquer d’inflation et ne peut donc pas avoir une économie surchauffée par des dépenses budgétaires comme celle héritée en 2024. Au cours des deux dernières semaines, le dollar s’est déprécié de près de 10 % par rapport à l’euro, somme des plans de dépenses européens et du ralentissement américain, dont la première cause est la réduction des dépenses publiques.
L’idée de base est que le contrecoup initial sera compensé. C’est un processus sciemment facilité par des baisses d’impôts et des incitations, par une débureaucratisation violente et par l’abandon de toute ambition de transition énergétique afin de donner aux entreprises des coûts énergétiques compétitifs. Certains économistes franco-français stigmatisent le risque de récession US, et alors ?
Ceux qui connaissent l’histoire économique se souviennent que Nixon entre 1969 et 1970 provoqua une récession afin de refroidir l’économie pour calmer les ardeurs contestataires. Plus de cinquante ans après, Trump et Bessent sont prêts à assumer cela. Pour d’autres raisons pas internes mais externes. Le coup de sifflet de la fin de la mondialisation. C’est cela la vraie mutation et elle n’est ni écologique ni militaire, ce n’est pas une lutte des taxes mais une guerre monétaire.
Ce qui se passe n’est pas une erreur ou une inexpérience, mais le seul contexte possible dans lequel l’Amérique peut espérer rapatrier l’industrie et les emplois. Le terme de comparaison, négatif, du point de vue américain, c’est justement l’Europe qui tue ses entreprises avec des règles, des taxes et des coûts énergétiques et qui s’engage sur une voie de dette qui, toujours selon l’avis de l’autre côté de l’Atlantique, obligera les Européens à passer leur vie à travailler pour la rembourser.
Il n’ y a pas de souveraineté sans souveraineté monétaire particulièrement en cas de guerre monétaire. C’est le sens du référendum que propose la Dynamique populaire et ses amis. Rejoignez les signataires…